« Les Couteaux dans le dos » de Pierre Notte

Avec Les Couteaux dans le dos de Pierre Notte, il est question de l’adolescence, du sens de la vie, de l’angoisse et du désir de s’envoler. Cinq femmes, prêtes à se travestir, recréent l’itinéraire initiatique quoiqu’hésitant de Marie, qui se demande « est-ce que la vie vaut d’être vécue ? »

Il y a d’abord Marie enfant, qui subit les névroses de ses parents dans un univers trop étroit. Ils ont beau parler, se répéter et s’empêtrer dans leurs discours, ils ne communiquent plus ni avec l’autre ni de soi à soi. Ils se sentent agressés et ne trouvent pas le moyen de s’en échapper. Le problème est reporté sur l’enfant qui tente vainement de rempoter les fleurs mises à mal du foyer et de questionner son démon, Clémence.

On la fait rencontrer le docteur, qui veut prescrire à la mère des médicaments. Mais ce n’est pas elle qui est malade, c’est sa fille, qui ne veut pas qu’on la touche. Elle veut bien qu’on l’écoute, mais pas qu’on la touche. Pourtant, quand la conseillère d’orientation lui demande si elle sait ce qu’elle veut faire plus tard, elle se sent mise à nu. Alors elle lui demande la couleur de sa petite culotte et se fait renvoyer du lycée.

Marie décide de partir et de s’envoler, avec pour seul bagage, ses Figolu, et tant pis pour la grammaire. Mais ce qu’elle trouve parmi les autres employées de péage est loin de correspondre à ses rêves de liberté. Dans ses errances, Marie rencontre le gardien de phare, avec qui elle ne réussit pas à trouver une harmonie, pourtant palpable. En attendant ses parents rencontrent le fonctionnaire de police et découvrent qu’ils ne sont pas les seuls à avoir une enfant qui se meurtrit sans que l’on sache pourquoi.

Marie repart prendre le train des regrets, après avoir été asticotée par des couturières de l’âme. Dans son itinéraire scandinave, elle croise les fantômes les plus connus de l’Europe littéraire, d’Elvire à Ophélie, de Racine à Ibsen. Aucune ne lui correspond et elle enfourche un vélo avec la Mort pour se rendre sur le bord d’une falaise, où elle retrouve le gardien de phare, son exact reflet. Pendant ce temps les névroses de leurs parents s’attablent pour comprendre – en vain.

Parmi les fantômes et les morts, les deux jeunes gens trouvent finalement le bonheur. Et les parents aussi, car l’enfant qu’ils ont conçus pour donner un sens à tout l’amour qu’ils portent en eux les occupe encore plus morts que vivants. Entretenir les souvenirs et se repaître du passé calme les angoisses, bien qu’il n’y ait pas de rapport à première vue.

Cette danse poétique en tableaux est admirablement bien menée par les cinq comédiennes. Elles incarnent toutes parfaitement leurs rôles multiples dans leurs costumes à pans, et nous plongent dans un univers familier et envoûtant. La parole tantôt symboliste tantôt musicale de Pierre Notte résonne dans toutes ses facettes et toute sa richesse pour séduire au plus haut point, dans un décor minimal où la lumière fait tout.

Expérience exceptionnelle d’un théâtre où les mots, la gestuelle et la musique trouvent leur équilibre.

 

 

F.

 

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