Apparemment, il est de coutume de promouvoir le spectacle de Philippe Quesne sans rien en dire et en recommandant de ne rien lire à son sujet. Il ne reste plus qu’une date pour le voir au théâtre du Rond-point, c’est pourquoi je romps le pacte et vous en parle ! J’aurais pu simplement dire : si vous aimez ce qui est décalé, si vous aimez l’autodérision, si vous êtes prêts à être surpris, si vous voulez partager une expérience hors du commun, allez-y ! Et même si cela peut paraître un peu léger, cela devrait être suffisant…
Quand les lumières s’éteignent, on entend de la musique provenant d’une voiture aux portes fermées. A l’intérieur, quatre individus boivent de la bière, mangent des chips, changent la piste audio, et ce, en compagnie d’un chien. Cela semble rustre, mais le décor est original. Nous sommes au milieu d’une clairière enneigée, occupée par une Citroën AX avec une remorque.
L’instant dure. Sans vraiment savoir pourquoi, on rit. On sait que le spectacle est court, et pourtant cela ne commence pas vraiment. Enfin, une femme arrive de derrière, avec un vélo. Elle entre dans la clairière et vient toquer à la vitre.
Les quatre énergumènes aux cheveux longs et en veste en jean sortent alors, ainsi que le chien, Hermès, et deux autres déboulent de la remorque. Aucune parole audible n’a encore été prononcée. Sera-ce un spectacle muet ?
Lentement, la parole arrive. Et avec elle, les explications : les six sont des chevaliers mélancoliques, qui ont construit un parc d’attraction ambulant. Isabelle devient leur public et on découvre une à une les activités : les perruques volantes, la bibliothèque, la machine à bulle, la fumée, et surtout le grand final, la « parade nocturne immobile ».
Des activités pour le moins obsolètes, mais pleines de poésie par l’importance qui leur est donnée par ces hard-rockers au cœur tendre. Ils ne prétendent pourtant pas créer l’illusion : s’il faut brancher le rétroprojecteur, ils n’hésitent pas à soulever la neige qui constitue le décor. Et les arbres, ils sont aussi déplacés sans artifice, pour montrer qu’ils sont beaux même faux.
C’est donc un spectacle hors norme que l’on découvre en même temps qu’Isabelle. C’est un mélange de rire et de mélancolie, sur fond surréaliste. On ne sait pas vraiment que penser de ces chevaliers issus de nulle part et d’une époque révolue, et leur parole est d’une grande simplicité. Mais on rit beaucoup, et on s’attendrit aussi et cela dans un rythme calme et régulier.
La grande pompe des spectacles, le divertissement et ses artifices sont questionnés en douceur, dans un spectacle qui transcende les genres. Il tient à la fois de l’installation, de la performance, du théâtre ou encore de la comédie musicale.
F.
Cela donne envie d’y aller. Bravo pour cette belle prose !