Étiquette : repas

« Les Années » d’Annie Ernaux – reconstituer l’air du temps sur près de 70 ans

Après de premiers courts textes autofictionnels ou autobiographiques, Les Armoires vides, La Femme gelée, La Place, Une femme ou encore L’Événement, Annie Ernaux opère un déplacement avec Les Années, en 2008. Cette œuvre se distingue des précédentes par son ampleur tout d’abord – 240 pages –, et par le fait que le « je » disparaît à la faveur d’un « on » et d’un occasionnel « elle », signe le plus manifeste d’un changement de focale. L’autrice ne se livre pas cette fois au récit plusieurs fois repris par différentes entrées d’un parcours de transfuge de classe. Si sa trajectoire est toujours présente en filigrane, car elle se conserve comme point d’observation de la société dans laquelle elle vit, son projet est cette fois beaucoup plus ambitieux : rendre compte des années. Le titre est provoquant, car il ne dit pas lesquelles, mais il invite de cette façon à renoncer à aborder le texte comme un document strictement historique sur une période précisément balisée. S’il en est malgré tout bien un, c’est au même titre que les archives INA dont il partage la saveur, mais une saveur décuplée par sa longueur et sa capacité à rétablir de la continuité dans notre appréhension du temps.
Lire la suite

« Les Garçons qui croient sont très seuls, les autres Garçons sont perdus » du Groupe T à la Commune d’Aubervilliers – théâtre alternative, théâtre réparation

Le Théâtre de la Commune orchestre nos retrouvailles avec le Groupe T, après Les Toits bossus en 2021, et Together !, créé un an plus tôt et repris en 2022, en accueillant leur dernière création : Les Garçons qui croient sont très seuls, les autres Garçons sont perdus. Un sentiment de familiarité saisit dès l’arrivée au théâtre, au moment de se constituer en public avec des personnes qu’on devine proches et des artistes amis, et en découvrant la scène, occupée par une pente de bois placée devant un tissu peint qui représente avec des traits d’enfants un paysage naturel. Les conditions sont d’emblée réunies pour une de ces expériences singulières et touchantes dont le Groupe T a le secret, qui, grâce à une écriture hautement poétique ouvre la sensibilité et invite à la réflexion sur les capacités du théâtre à proposer des alternatives au réel et à dégager des espaces de réparation.
Lire la suite

« Thyestes » d’après Sénèque aux Amandiers : adapter ou s’adapter

L’Australien Simon Stone vient pour la première fois en France cette année, accueilli aux Amandiers de Nanterre pour présenter Thyestes, pièce créée il y a cinq ans. Le programme indique que le spectacle a été conçu « d’après » la pièce de Sénèque du même nom, et tout se joue là, dans cet espacement soigneusement cultivé entre un metteur en scène de 30 ans en 2015 – 25 ans à l’époque de la création – et une pièce du Ier siècle après Jésus-Christ inspirée de la fresque mythologique des Atrides.…

Lire la suite