« L’Ange de l’histoire » de Benjamin & « L’Ange malchanceux » de Müller – tourner le dos à l’avenir ou attendre l’histoire
Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus. Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.« Le Grand Inquisiteur » de Sylvain Creuzevault d’après Dostoïevski à l’Odéon – Creuzevault, Christ ou Grand Inquisiteur ?
Après l’Allemand Frank Castorf, qui a adapté presque toutes les œuvres de Dostoïevski depuis 1999, c’est au tour de Sylvain Creuzevault de revenir avec obsession à cet auteur. En 2018, il se lançait avec Les Démons. En 2019, il adaptait pour quelques représentations seulement avec les étudiants du Théâtre National de Bordeaux L’Adolescent. Cette saison, il présente deux spectacles à l’Odéon : Le Grand Inquisiteur et Les Frères Karamazov. Tous deux sont étroitement liés : la "Légende du Grand Inquisiteur" est un des chapitres les plus célèbres des Frères Karamazov, une œuvre dans l’œuvre, un « poème » comme le présente Ivan Karamazov, qui court sur une vingtaine de pages. Ce morceau a déjà été isolés par d’autres metteurs en scène avant Creuzevault – par Peter Brook et Patrice Chéreau notamment –, mais le but n’est pas ici d’en donner une simple lecture théâtralisée. Le spectacle de plus d’une heure et demie prend la forme d’un dialogue avec ce texte, d’une mise en perspective historique et politique qui entend souligner la pertinence de la pensée de Dostoïevski.« La Mission » de Heiner Müller [extrait] – l’homme dans l’ascenseur
Je suis entouré d’hommes qui me sont inconnus dans un vieil ascenseur dont la cage brinqueballe pendant la montée. Je suis habillé comme un employé ou comme un ouvrier un jour férié. J’ai même mis une cravate, le col me gratte le cou, je transpire.…
« La Résistible Ascension d’Arturo Ui » de Brecht au Théâtre de la Ville
Hier soir se jouait au Théâtre de la Ville la 388ème représentation de La Résistible Ascension d’Arturo Ui de Brecht par le Berliner Ensemble. Cette mise en scène mythique d’Heiner Müller est jouée sans relâche depuis 1995. Venu jusqu’à nous dans le cadre du Festival d’Automne, ce spectacle transcende sa dimension éphémère et se fait le témoin du rayonnement du théâtre allemand depuis la deuxième moitié du XXe siècle.…