Étiquette : Comédie de Reims

« Makbeth » du Munstrum Théâtre à la Comédie de Reims – cauchemar horrifique

La grande salle de la Comédie de Reims est comble jusqu’au deuxième balcon pour Makbeth du Munstrum Théâtre, une compagnie à l’esthétique extrêmement singulière entre autres caractérisée par des ambiances crépusculaires et par l’usage de masques et de prothèses qui déforment les corps humains. Après des textes de Copi et de Mayenburg, Louis Arene et Lionel Lingelser, à la tête du Munstrum, s’attaquent cette fois à une tragédie de Shakespeare, la plus sombre. Mais ils annoncent d’emblée une adaptation en remplaçant le « c » par un « k » et en indiquant « d’après ». Ces indices congédient la lettre du texte, mais aussi un geste de mise en scène qui serait fondé sur une dramaturgie chargée de déplier les strates de l’œuvre pour en offrir une relecture. Le Munstrum livre une interprétation visuelle et plastique de la pièce, qui donne naissance à des images aussi spectaculaires que cauchemardesques.
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« no words » de Maja Zade, mis en scène par Yana Ross à la Comédie de Reims – sous la superficie, l’abîme

Le Festival FARaway, Festival des arts à Reims, qui réunit plusieurs structurelles de la ville, a pour thème cette année « Traversées en Europe du Nord ». Sont ainsi accueillis à la Cartonnerie, à Césaré, à la Comédie, au FRAC, à Nova Villa, au Manège et à l’Opéra des artistes venant de Norvège, du Danemark, de Suède, d’Islande, d’Estonie, d’Irlande, de Lettonie, du Royaume-Uni et de Lituanie. L’événement permet la création française d’un texte de l’autrice allemande Maja Zade, associée à la Schaubhüne de Berlin, qui a collaboré avec Ostermeier, Ivo van Hove, Katie Mitchell ou Simon McBurney. Son œuvre est mise en scène par l’artiste lituanienne Yanna Ross, qui dirige pour ce spectacle des acteurs et actrices suédois. La metteuse en scène ne se contente pas de proposer une lecture d’un texte bâti comme une machine complexe et fascinante. Elle y superpose un dispositif sophistiqué qui en creuse les lignes de fuite et en explore les possibles, et propose ainsi un spectacle qui produit une impression de vertige face aux abîmes que frôlent nos vies sociales.
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« Rapt » de Chloé Dabert à la Comédie de Reims – au piège de l’art théâtral, et de notre crédulité

Il y a – mais c’est heureusement rare – des spectacles qui placent la critique dans une position impossible. Soit elle doit prendre le parti de ne rien dire, de contourner le sujet principal et de se contenter de louer la précision de la mise en scène, la finesse de la direction d’acteur en citant les artistes, la sophistication et la fluidité de la scénographie, et sa pertinence aussi – mais sans pouvoir expliquer pourquoi... exercice consisterait alors à distribuer des éloges sans les fonder et ne servirait qu’à féliciter l’équipe de création – ce qui n’est pas rien, mais ce qui ne met pas en réflexion et ne permet pas de conserver la trace du spectacle. Soit elle doit se résoudre à spoiler, à divulgâcher l’essentiel, au risque de compromettre le plaisir du spectateur, voire, avec un peu de prétention, la vie du spectacle et ses possibles tournées. Le dilemme reste irrésolu tout au long de la représentation de Rapt, dernière création de Chloé Dabert à la Comédie de Reims. Jusqu’à la fin, ce questionnement place dans une position de vulnérabilité et de crédulité qui rend la démonstration plus magistrale encore. Après beaucoup d’hésitation, cette critique prend le parti de révéler l’effet de surprise, non seulement car elle n’a pas la prétention d’être assez lue pour compromettre quoi que ce soit, mais surtout car il n’est pas envisageable de passer sous silence une expérience aussi profondément troublante.
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« L’Enfant brûlé » de Noëmie Ksicova à la Comédie de Reims – en équilibre sur la ligne de crête du roman de Dagerman

Valenciennes, dont elle signe la conception et la mise en scène, et suit une trajectoire fulgurante : avec ce premier spectacle, elle passe à la MAC d’Amiens, au Off d’Avignon, au Festival Impatience, et poursuit une tournée tout au long de l’année 2023. Sur la base de cet unique spectacle, la Comédie de Reims et l’Odéon se sont engagés sur sa prochaine création, L’Enfant brûlé. Les thématiques sont communes – l’adolescence, le suicide, la cellule familiale –, mais Noëmie Ksicova part cette fois d’un matériau existant : un roman de Stig Dagerman mal connu, dont elle annonce une « libre adaptation » – mais qui porte le même titre que l’œuvre. L’artiste embarque avec elle les partenaires de la première aventure, dont deux jeunes qui n’ont joué qu’avec elle, et se lance dans cette ambitieuse entreprise, assumant l’ambition, mais un peu moins le pas de côté qu’elle fait par rapport à l’œuvre qui l’inspire.
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