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« Rivage à l’abandon, Médée-matériau, Paysage avec Argonautes » de Matthias Langhoff à la Comédie de Caen – sédiments d’histoire et de théâtre

Après la reprise de Gloucester Time. Matériau Shakespeare. Richard III l’an dernier à la Comédie de Caen, par Marcial Di Fonzo Bo, directeur des lieux, et Frédérique Loliée, sous le regard bienveillant de Matthias Langhoff, une autre reprise réunit ces trois-là, ainsi que Catherine Rankl, scénographe. En 1983, Matthias Langhoff créait à Bochum, avec Heiner Müller, le triptyque Rivage à l’abandon, Médée-matériau, Paysage avec Argonautes. Le metteur en scène d’origine allemande recrée ce triptyque en ce début d’année, avec les deux acteurs qu’il a rencontrés en 1995 à l’École du Théâtre National de Bretagne, sa scénographe, et Véronique Appel qui l’assiste. Durée initialement annoncée du spectacle : 1h45. Durée réelle : 1h. Durée ressentie : un pan d’histoire.
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« Beloved » de Toni Morrison – l’enfantôme, figuration de la hantise du passé esclavagiste des États-Unis

L’écrivaine afro-américaine Toni Morrison, décédée il y a trois ans, a acquis la pleine reconnaissance littéraire avec Beloved, roman publié en 1987 et récompensé l’année suivante par le Prix Pulitzer. Peu après, en 1993, Toni Morrison a reçu le Prix Nobel de littérature, pour « ses romans caractérisés par une force visionnaire et une portée poétique, qui donne vie à un aspect essentiel de la réalité américaine ». La réalité américaine que Beloved découvre, c’est celle l’Amérique esclave, de la veille de la guerre de Sécession à l’abolition de l’esclavage, saisie à partir d’une poignée de personnages noirs qui portent plusieurs vies en eux et sont hantés par le passé une fois affranchis. L’écriture imite le mouvement de la mémoire traumatique, qui tout à la fois refoule et ressasse, tourne autour des drames qu’elle laisse entrevoir, et tisse toute une poétique à partir de détails cristallisants qui prennent progressivement sens – jusqu’au moment de confronter pleinement à l’inconcevable.
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« Kliniken » de Lars Norén, mis en scène par Julie Duclos au Théâtre de l’Odéon – condensé de désespoirs

Un an et quelques mois après la mort de l’auteur suédois Lars Norén, le Théâtre de l’Odéon présente l’une de ses pièces, Kliniken, dans une mise en scène de Julie Duclos. Il y a dix ans, Stéphane Braunschweig, alors directeur de la Colline, avait programmé Salle d’attente de Krystian Lupa, d’après Catégorie 3.1 du même auteur. Ces deux spectacles dialoguent dans la mémoire du spectateur, car tous deux offrent de longues fresques qui dressent le portrait de marginaux, ceux qui vivent dans la rue et se croisent dans les non lieux d’une ville d’une part, et ceux réunis dans un hôpital psychiatrique d’autre part. L’immersion que propose Julie Duclos dans l’institution médicale est douloureuse. Un condensé de détresses, de désespoirs et de dépressions nous attend, qui finit inévitablement par toucher mais qui amène à interroger la pertinence de monter ce texte aujourd’hui, alors que nos morals sont si fragiles.
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