Quatre jeunes gens retracent le parcours de la pensée de Diderot à Camus, avec dynamisme et passion. Cette pièce, faite de débats philosophiques et de réflexions purement abstraites puisées dans des textes, trouve un équivalent visuel et scénique grâce à des volants.
Le titre suggère une progression constante de l’homme dans la conquête du ciel. D’Icare aux inventions les plus poussées de notre siècle pour explorer l’univers, en passant par les avions et autre véhicules à volant, le but semble être dans tous les cas d’atteindre la voûte étoilée de Kant, lieu de la pensée la plus haute.
En réalité, il désigne de façon plus pragmatique l’ancêtre du badminton, le jeu du volant, que Diderot, Rousseau, Louise de l’Epinay et son amant, Melchior Grimm pratiquaient. Même si Rousseau dit détester les balles, il s’agit ici bien de se la renvoyer. Au cours de parties endiablées tous quatre débattent sur l’âme, la religion, la femme et le luxe.
Le couple sert de faire-valoir aux deux philosophes, dont les postures sont toujours radicalement opposées. Rousseau apparaît face à Diderot comme un réactionnaire, qui défend avec conviction la religion et la morale, tandis que le second se positionne comme penseur éclairé, entièrement tourné vers l’avenir et le progrès. La solidité de leurs raisonnements à tous deux empêche qu’une quelconque victoire ait lieu au cours de ce match.
Dans un second temps, les quatre comédiens retracent rapidement le cours des XIXe et XXe siècles, qui ont vu surgir plusieurs grands auteurs situés dans la lignée des Lumières : Victor Hugo, Emile Zola, Jean Giono et Romain Rolland. Ceux-ci traversent les années sous formes de petits volants, désormais symbole par excellence de la pensée.
Après la nuit de la Seconde Guerre mondiale, ce sont Jean-Paul Sartre, Albert Camus, René Char et Simone de Beauvoir qui s’expriment, sur la place de la femme dans la société, le communisme, l’engagement intellectuel et la bombe nucléaire. Au moment de débattre sur la peine de mort, à laquelle est condamné Robert Brasillach, c’est la pensée de Diderot qui leur sert principalement d’appui.
Le sous-titre du spectacle, « Diderot – Camus », est donc incomplet. Il s’agit moins d’une confrontation ou d’une filiation tracée de Diderot à Camus qu’une réunion des plus grands penseurs français du XVIIIe au XXe siècle.
L’énergie et l’enthousiasme des quatre jeunes comédiens prend place dans une scénographie inégale, plus ou moins élégamment bricolée. Les volants, les parachutes et les costumes sont plutôt réussis, alors que les monceaux de papier, le plastique et les meubles de rangement de régie sont un peu pauvres.
Bien que le spectacle soit plus intéressant qu’esthétique, il est plutôt bien mené. Fondé sur un dialogue de grands auteurs dont les plus récents appartiennent déjà au passé, il ouvre sur un avenir incertain. Néanmoins, les quatre qui se trouvent face à nous donnent à espérer.
F. pour Le Bruit du Off
Pour en savoir plus sur « Plumes, volants et satellites – Diderot/Camus », rendez-vous sur le site du Off d’Avignon.