Stéphane Braunschweig reprend à la Colline le spectacle qu’il a présenté cet été au Cloître des Carmes, dans le cadre du Festival d’Avignon, Six personnages en quête d’auteur. Cette adaptation d’après Luigi Pirandello, comme il la caractérise, modernise le propos et rééquilibre les rôles entre les différents personnages. Néanmoins, ce qui pourrait sembler prometteur se révèle très décevant.
La difficulté majeure de la pièce de Pirandello réside dans la confrontation des registres qu’elle fait cohabiter. Six personnages interrompent une répétition de théâtre et supplient le directeur des lieux de les laisser jouer le drame qu’ils portent en eux. Le scepticisme initial des comédiens et du directeur fait progressivement place à une certaine empathie, qui contribue à mettre au premier plan cette famille désunie, puis recomposée dans l’horreur de l’inceste.
Plutôt que de manipuler avec délicatesse les deux tonalités qui se confrontent dans un premier temps, Braunschweig substitue au scepticisme des comédiens l’ironie et la moquerie, creusant ainsi l’écart entre le plan réaliste de la répétition interrompue et le plan fictionnel du drame qui se joue. Cette disparité ne se résout que dans la scène finale, dans laquelle le tragique prend le dessus et suscite enfin une véritable émotion. Pour le reste, le spectateur est dans un inconfort de type brechtien, entre distance et empathie, sans pour autant que la moindre réflexion ne réussisse à naître.
Ce qui invite le metteur en scène à parler d’adaptation, outre la traduction du texte qu’il propose, tient à l’ajout de scènes, qui servent d’une part à donner un rôle plus important aux comédiens devenus spectateurs, et d’autre part à véhiculer un propos contemporain sur la mise en scène. Le prologue du spectacle est ainsi l’occasion de s’interroger sur le rapport des metteurs en scène au texte et à la figure de l’auteur dans le théâtre d’aujourd’hui.
Cette réflexion, somme toute intéressante, est tournée en dérision et anéantie par un Claude Duparfait extrêmement maniéré et caricatural – caricature que l’on retrouve aux moments où les comédiens essaient de se réapproprier le drame qui leur a été joué. Si les acteurs qui interprètent les personnages sont plus subtils, leurs costumes sans unité dévoilent de façon trop expressive leurs caractères. Il résulte de ces lourdeurs et de ces ambiguïtés de registres des décalages importants entre les performances des comédiens.
A cela s’ajoute un emploi de la vidéo très conventionnel, voire même démodé. L’exemple le plus frappant en est la représentation de « l’univers de l’auteur », que les comédiens explorent au cours de scènes ajoutées, figuré par des jeux de lumières bleutés et un fond sonore supposé immersif. Ces séquences sont l’occasion d’investir la psychologie de l’auteur absenté de cette pièce, de façon superficielle et peu convaincante.
Malgré le décor encourageant que le public découvre au moment de s’asseoir, divisé en deux entre la salle de répétition et le plateau, avec un fond en miroir qui lui renvoie son reflet mais qui n’est pas exploité, le spectacle ne prend pas son élan. Toute forme d’émotion retombe à plat, comme le fond du plateau lui-même qui s’effondre à proprement dit lors de l’apparition spectrale de l’auteur tant recherché. Cette dernière « trouvaille » finit de décourager le spectateur venu plein d’espoirs.
A l’image du spectacle, la déception est à double niveau : celui de la pièce de Pirandello, dont et le comique et le tragique ont été anéantis, et celui de l’adaptation de Braunschweig. Son propos est constamment mis à l’épreuve de ce qui se joue, ce qui amène à formuler des paradoxes et des incohérences, alors qu’il pourrait légitimement trouver sa place dans une autre forme, en dehors de la scène.
F. pour Inferno
Pour en savoir plus sur « Six personnages en quête d’auteur », rendez-vous sur le site de la Colline.
Je regrette que tu aies trouvé cette interprétation mauvaise car j’ai toujours été été fasciné par cette pièce que j’ai vue quatre fois. Je n’y retournerai donc pas une cinquième…..