Nicolas Vaude, Christelle Reboul et Marie-Laurence Tartas bâtissent un très beau spectacle à partir de l’œuvre de Diderot, La Religieuse. Ce roman-mémoire écrit en 1780, en plus de mettre en scène un personnage bouleversant, invite à une réflexion critique sur la religion et ses institutions. Le spectacle trouve dans la Salle ronde du Théâtre de la Condition des Soies un décor idéal.
La jeune Suzanne Simonin se voit forcée par ses parents à prendre le voile, à cause d’une naissance bâtarde qu’elle apprend au moment de prononcer ses vœux. Son identité toute entière se retrouve mise en jeu, alors même qu’elle se retrouve coupée du monde contre sa volonté. La malédiction qui pèse sur elle, loin d’être conjurée par son entrée dans les ordres, continue de s’abattre sur elle.
Deux mères supérieures la torturent, l’une après l’autre, chacune à leur façon : la première est tyrannique et la croit habitée par le diable, la seconde est au contraire trop aimante, d’un amour condamnable. Suzanne, qui se confie au Marquis de Croismar, intente un procès à la communauté, aidée par un avocat qui devient son ami, avant de tenter de fuir.
L’ensemble de ces épisodes se retrouve sur la scène grâce à un habile maniement du texte. Outre Suzanne, incarnée par l’émouvante Christelle Reboul, deux autres comédiens s’attachent à donner corps aux autres personnages invoqués par le texte, passant de l’un à l’autre en toute grâce et discrétion.
Tous trois sont accompagnés par Christine Plubeau, à la viole de gambe, avec qui ils entretiennent un rapport complice. La musique, en plus d’immerger dans l’atmosphère austère du couvent, se fait l’écho des sentiments violents et contradictoires des héros.
La salle ronde du Théâtre de la Condition des Soies, meublée d’un mobilier qui suggère parfaitement la vie ecclésiastique, est le cadre idéal pour un tel spectacle. Ses murs de pierre et son dénuement entrent en parfaite cohérence avec le texte et nourrit l’imaginaire déjà bien inspiré des spectateurs.
Les chaleureux applaudissements du public confirment l’émotion suscitée et partagée.
F. pour Le Bruit du Off
Pour en savoir plus sur « La Religieuse », rendez-vous sur le site du Off d’Avignon.
« Quel est donc ce Dieu ? Un Dieu plein de bonté… Un Dieu plein de bonté trouverait-il du plaisir à se baigner dans les larmes? »
Très bien !