« Le Socle des vertiges » de Dieudonné Niangouna aux Amandiers

Dieudonné Niangouna présente au Théâtre des Amandiers un spectacle qu’il a mûri pendant plusieurs années. Derrière un titre prometteur, Le Socle des vertiges, se cache une violente dénonciation qui agresse sans relâche celui qui réussit à tenir jusqu’à la fin du spectacle. La question est : quels seront les plus endurants ?

L’objet composite qu’a formé Niangouna n’est pas fait pour nous bercer d’illusion. Il fait passer son message de révolte avec crudité, sans prendre de pincettes. Les beaux tableaux qu’il réussit à montrer sont envahis par des images d’une violence insoutenable ou d’un volume sonore que le corps rejette. Les vidéos projetées autant que la musique et les sons poussent à rompre le contact, à fermer les yeux et à se boucher les oreilles. Difficile de faire passer quoi que ce soit dans ces conditions.

Les contours de l’histoire sont imprécis. Ce sont deux frères qui racontent leur enfance dans un quartier de Brazzaville et qui sont confrontés à la mort et au passé de leur pays. Ils vivent avec autant de colère le décès de leur père que la colonisation, le meurtre de leur enfant que la société capitaliste. Tout est mis au même plan : celui de l’homme en qui tout se rejoint.

Les comédiens, musiciens, danseurs et techniciens qui les entourent, multifonctionnels, accompagnent le propos avec force de gestes et d’accessoires. Tout passe sur scène : des écrans, un rétroprojecteur, une estrade, des fils de barbelés, des sacs de sable, de la poterie, une sirène… Rien ne semble de trop pour s’exprimer, pour dire la violence et susciter la colère.

Le propos est souvent noyé derrière ce flux d’activité, de déplacements. Les vidéos qui se superposent au discours obnubilent malgré l’horreur qu’elles montrent – meurtre d’animaux, éclaboussures de sang, évidements de volaille… On ne sait plus où poser son regard et le mouvement le rappelle sans cesse sur les écrans, comme un aimant.

On se sent impuissant contre soi-même, contre notre désir pervers de regarder et d’écouter ce qui nous horripile et nous met hors de nous. Est-ce que le message passe bien ? Ce n’est pas sûr. Peut-être qu’il aurait simplement fallu que les lumières restent allumées et que le metteur en scène prenne la parole en toute simplicité, comme c’est le cas à la fin. Certes, il crie, nous prend à partie, et ce qu’il dit n’est pas tendre, mais comparé à ce qu’on s’est pris dans la figure, c’est presque réconfortant.

Finalement, les anecdotes de l’Oncle Jules torturé, de Diane et de son enfant mort, ont bien dit l’horreur omniprésente. Mais cette violence, cette agression perpétuelle est une épreuve que personne ne souhaite s’infliger en connaissance de cause, à moins d’avoir tellement de colère en soi qu’elle ne peut se résoudre que par le spectacle de celle de Dieudonné Niangouna.

F. pour Inferno

Pour en savoir plus sur le spectacle, cliquez ici.

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