« Tête d’Or » de Paul Claudel

Tête d’Or est une pièce de Claudel qui montre la force du désespoir et de la volonté de puissance. Autour de trois tableaux qui se situent à des  périodes et en des lieux différents, le poète montre cette progression autour de figures qui sont plus des symboles que des personnages.

L’œuvre s’ouvre avec l’enterrement peu ordinaire d’une femme par deux hommes à la tombée de la nuit. On apprend là qu’ils se sont connus dans un passé révolu et que Simon Agnel – qui se fera appeler Tête d’Or par la suite – a fui il y a longtemps, en quête de quelque chose s’apparentant au bonheur. Celle qu’il a choisi pour femme est morte, et avec elle toutes ses illusions et ses rêves.

Dans ce champ où la mort est pesante, Simon et Cébès se confient leur désespoir commun, propre à leur génération. Leurs paroles, parfois obscures mais lourdes de sens font penser à une philosophie digne de celle Camus.

Le deuxième tableau a lieu dans un château où l’attente réunit sur un même plan le Roi et des Veilleurs. On retrouve Cébès, mourant, et l’on apprend la victoire de Tête d’Or, inespérée. Cette victoire est vite tempérée par la mort de Cébès, son tendre ami. Son amertume et son désespoir sont ravivés mais avec une puissance plus grande encore. C’est le point de départ d’un nouvel élan qui veut se passer de toute émotion.

Il s’empare donc du pouvoir et part à la conquête du monde. C’est lorsque les troupes lui sont ralliées et qu’elles partent au combat que nous est présenté le troisième tableau. Tête d’Or est un chef aimé et parfois généreux face à la pauvreté. L’annonce de sa mort provoque le suicide de son fidèle messager, Cassius, et la désorientation de toute l’armée.

Pourtant, la mort de Tête d’Or est loin d’être radicale. Cinq sursauts le saisissent et le rapprochent de la Princesse, la fille du roi qu’il a tué et à qui il a pris le pouvoir. Malgré tout le mal qu’elle a enduré, celle-ci lui pardonne et lui fait entrevoir une force spirituelle qui transcende la faiblesse physique. Tête d’Or meurt ainsi moins monstrueux et rétablit la Princesse dans son droit.

C’est une pièce difficile à comprendre mais dont certaines phrases résonnent avec intensité et révèlent la violence des sentiments contradictoires de Claudel à l’époque de sa conversion religieuse. Les images sont pour la plupart frappantes et l’écriture très travaillée.

Une œuvre à découvrir par petites touches et à mettre en parallèle avec Caligula de Camus.

F.

Tête d’Or :

Deux arbres et toute la nuit derrière !

La nuée se déchire et l’on voit des étoiles par là.

O équilibre des choses dans la nuit ! ô force qui selon votre nature agissez avec une puissance invincible !

Et moi aussi je ferai mon œuvre, et rampant dessous je ferai osciller la pierre énorme !

Et d’un coup je la chargerai sur moi, comme un boucher qui charge la moitié d’un bœuf sur son dos !

O faire ! faire ! faire ! qui me donnera la force de faire !

Ah ! Ah !

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