« Caligula » de Camus à l’Athénée

La pièce de Camus, Caligula, est un chef d’œuvre de notre littérature. Pourtant, on assiste à peu de mises en scène, probablement parce qu’on la considère comme philosophique, voire bavarde. Ce que Stéphane Olivié Bisson nous montre à l’Athénée est l’alliance du dramatique et de la pensée qui se donne à voir – caractéristiques propres à la pièce.

Les quatre actes de l’œuvre sont différenciés par un décor changeant, plus ou moins chargé, mimant la progression de la folie et de la monstruosité. Le premier, quand le palais est dans l’attente de Caligula qui a fui après la mort de sa sœur, Drusilla, est pleinement épuré. Le deuxième s’organise autour d’un repas à la fois miniature et gargantuesque, qui tourne à la tragédie. Le troisième s’apparente à une scène du grand Mamamouchi avec une pile de matelas gigantesque. Enfin, le dernier retrouve une certaine simplicité qui annonce l’issue fatale.

Ce qui fait le lien d’une scène à l’autre, c’est l’importance croissante des poupées, têtes et corps, qui renvoient aux crimes de plus en plus nombreux de l’empereur. De même, et c’est là ce qui est remarquable dans cette mise en scène, ce qui frappe est la progression du sable noir au sol : couvrant la moitié de la surface avant la métamorphose de Caligula, il s’étend de plus en plus avec les allées et venues, comme un mal qui se répand.

Robes, traînes et corps jetés le font mouvoir et progresser jusqu’à masquer presque entièrement le dallage. La mort de Caligula met fin à ce mouvement hypnotisant et incessant depuis le début. Il matérialise ce que l’humeur changeante et instable de Caligula tente de cacher, à savoir son désespoir, son avidité et sa recherche de l’impossible.

Voilà le coup de force de Bisson. Pour le reste, les intonations sont parfois trop forcées, et des personnages parfois décevants, comme Caesonia que l’ont aurait crue plus âgée et plus dans l’insensibilité que la futilité. Les gestes sont nombreux et les cris aussi, laissant parfois les plus beaux dialogues et les plus riches de sens, trop silencieux.

Ces reproches sont en réalité plus des affaires d’interprétation personnelle. La lecture de l’œuvre de Camus, comme celle du théâtre en général, laisse entendre des mouvements de voix qui ne sont sûrement pas les mêmes pour chacun. Caligula n’est pas pour tous un héros qui a la voix chevrotante et les larmes aux yeux pendant tout le premier acte.

Le spectacle reste une expérience positive, tant pour l’écoute du texte dans sa première version, immortel, que pour les choix scéniques judicieux.

 

 

F.

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