« Crime et Châtiment » au Musée d’Orsay

Faut-il punir ou soigner ? Telle est la question qui est posée à l’entrée de l’exposition temporaire du musée d’Orsay, à l’initiative de Robert Badinter. Si les crimes ont eu lieu de tout temps, leur punition et leur perception, elles, ont évoluées à travers les époques. L’exposition retrace ces différentes étapes chronologiques autour de grands thèmes.

De la fin du XVIIIème siècle à l’abolition de la peine de mort en 1981, les peintres, tantôt intrigués par les grands mythes, tantôt engagés, ont illustré les courants de pensée de leur temps. Au gré des œuvres picturales sont disséminées des citations d’auteur qui, eux aussi, ont enquêté sur la question. L’acte meurtrier relève-t-il de la folie ou de la maladie ? A quoi la Justice doit-elle se référer pour juger ?

Les premières œuvres sont largement inspirée de la pensée catholique et de la division entre le Bien et le Mal. Les figures qui leur sont associées, comme Caïn et Abel, servent de motif. Les cadavres sont distingués par leur blancheur, et la conscience par les anges. Mais peu à peu, dès la Révolution, la mort se sécularise et des voix s’élèvent en faveur de l’égalité. Une guillotine marque ce tournant.

La représentation des meurtres célèbres, comme celui de Marat, laisse rapidement place aux œuvres dénonciatrices. Hugo est une figure phare, que ce soit pour Le Dernier jour d’un condamné ou pour ses sombres dessins. Le meurtre devient une source d’inspiration pour la fascination qu’il exerce, aussi bien dans la littérature que dans la presse.  Les nombreuses caricatures de Daumier montrent bien que désormais, c’est moins le criminel qui effraie que la Justice, qui elle, condamne.

De grands thèmes se dégagent tels que la femme fatale ou la sorcière : le coupable n’a plus seulement visage d’homme. En parallèle, sont aussi mises à jour les conditions de détention des accusés, de la cellule au panoptique.

Bien vite, le temps n’est plus celui de l’accusation ou de la condamnation, mais de l’explication. La phrénologie ouvre le champ de la criminologie à la science. François Joseph Gall et ses contemporains se lancent dans une explication physiologique du crime, selon la forme et les bosses du crâne. Fasciné, Degas s’en inspire pour représenter sa Petite Danseuse de 14 ans et mesurer l’impact de telles théories sur les préjugés.

Dès ses débuts, la photographie vient servir les enquêtes et l’on s’attache aux détails, à retracer ce qu’il s’est passé. Avant de juger, il faut comprendre. C’est l’heure des conditions atténuantes. C’est au détour de cette salle que l’on trouve la fidèle reproduction de la machine infernale imaginée par Kafka dans La Colonie pénitentiaire.

Enfin, l’exposition s’achève un peu rapidement avec les perceptions du surréalisme et le viol, à l’époque où la peine de mort est abolie en France.

Les œuvres rassemblées sont nombreuses et de toutes formes pour un thème pourtant peu esthétique. Géricault, Magritte, Goya, Duchamp, Degas et beaucoup d’autres, ce sont autant d’artistes qui se sont sentis concernés par la conscience morale, la punition et la mort.

Pour approfondir la réflexion à la suite d’une exposition aussi riche, il faut relire les grandes œuvres, à commencer par celles de Dostoïevski.

F.

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