« Exercices de style » d’après Raymond Queneau par la Compagnie le Théâtre de l’Eveil

Trois hommes en queue de pie et col roulé aux couleurs primaires déclinent sur la scène du Théâtre du Chien qui fume quelques-uns des chapitres de l’œuvre ludique de Raymond Queneau, Exercices de style. Le projet est assez alléchant et plutôt original – quoiqu’un autre spectacle du Off ait exactement le même –, et le résultat s’avère plaisant. Le seul défaut de ce spectacle du Théâtre de l’Eveil est que les artistes se complaisent sur scène et ne trouvent pas vraiment de point final à ce divertissement, au sens musical du terme.

Exercices de style - QueneauLe point de départ de Raymond Queneau n’est pas même anecdotique : un homme au long cou entre dans un bus, râle après un autre qui lui marche sur les pieds, avant de s’asseoir à une place libre ; plus tard, il est devant la gare Saint-Lazare, où un ami lui conseille de rajouter un bouton à son pardessus. A partir de ce là, cet auteur de l’Oulipo décline 99 versions de cette même histoire et démontre une grande maîtrise de la langue.

De l’une à l’autre, il joue sur les styles, les registres, les rythmes et les mots, choisissant de mettre en valeur tel ou tel détail apparemment anodin. Sur la scène, on retrouve ainsi les plus célèbres des versions : en langage soutenu et précieux, la version provinciale et l’italienne, en verlan et en javanais, sous forme de discours scientifique et hypocondriaque, du point de vue des odeurs et grâce à un vocabulaire culinaire. Une fois l’histoire clairement dite une ou deux fois, il n’est même plus question de comprendre, mais simplement d’admirer cette liberté apparemment illimitée dans l’usage de la langue.

Le défi posé par un tel matériau à la scène est la structure du spectacle. A trois comédiens, le procédé assure d’emblée certaines possibilités, qui permettent d’atténuer un peu la répétitivité de la chose. Ainsi, ils adoptent tantôt un fonctionnement choral, tantôt un système de question-réponse, créent tantôt un effet d’enchaînement, et tantôt de superposition. Dans cette perspective, la lumière est leur compagne, elle qui permet de distribuer la parole entre eux.

Exercices de styleAu jeu de Queneau s’ajoute donc celui des comédiens, qui adoptent des accents étrangers, font des bruitages et surtout chantent. Cette dernière tendance, la plus prononcée, montre bien le caractère entraînant de l’exercice. Néanmoins, plusieurs allers-retours en coulisses laissent chaque fois croire que le spectacle est terminé, même si les trois chaises qui servent de scénographie restent éclairées. La gratuité de leur retour est ainsi rendue flagrante, et l’on se demande comment tout cela va bien pouvoir trouver une conclusion.

Finalement, la représentation se termine en spectacle musical, dans lequel le public est entraîné, maintenant qu’il a bien compris la chanson. Les trois comédiens n’ont malheureusement pas eu l’audace de faire un spectacle plus court, qui aurait gagné en puissance, et se laissent porter par leur plaisir à être sur scène, plaisir partagé jusqu’à un certain stade seulement.

F. pour Le Bruit du Off

Pour en savoir plus sur « Exercices de style », rendez-vous sur le site du Off d’Avignon.

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