Étiquette : queer

« Pour un temps sois peu » de Laurène Marx à l’Espace 1789 – parcours du combattant d’une femme trans (et neuroatypique)

Trois ans après sa création au Théâtre de Belleville, après une polémique qui a avorté une première version du spectacle dans laquelle le texte était pris en charge par une actrice cisgenre, Pour un temps sois peu, spectacle qui a révélé Laurène Marx et lui a immédiatement octroyé une place dans le paysage théâtral contemporain, est symptomatiquement repris dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. Pour la 150e représentation, l’Espace 1789 est plein à craquer, d’un public en grande partie acquis, ou du moins heureux de s’inscrire à cette session de rattrapage. Le trouble créé par ce spectacle, qui a beaucoup été commenté entre temps, est sans doute d’une nature un peu différente aujourd’hui, mais il y a bien trouble - dans le genre et dans le champ neuroatypique.
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« Le Dindon » de Georges Feydeau, mis en scène par Aurore Fattier à la Comédie de Caen – le parti de la farce

La nouvelle saison est inaugurée à la Comédie de Caen avec Le Dindon, première création d’Aurore Fattier en tant que directrice de ce CDN. À cette occasion, l’artiste revient à un auteur qu’elle a déjà côtoyé et avec lequel elle a même inauguré son geste de mise en scène : Georges Feydeau. Sans que l’on cerne bien sous quel signe elle place son mandat avec ce choix – celui de la relecture subversive des classiques ou celui du divertissement, ou peut-être les deux –, ce spectacle n’en propose pas moins une fête du théâtre, grâce à une équipe de personnalités riches en couleur qui parvient à faire rire à partir d’un matériau désigné comme profondément anachronique.
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« Makbeth » du Munstrum Théâtre à la Comédie de Reims – cauchemar horrifique

La grande salle de la Comédie de Reims est comble jusqu’au deuxième balcon pour Makbeth du Munstrum Théâtre, une compagnie à l’esthétique extrêmement singulière entre autres caractérisée par des ambiances crépusculaires et par l’usage de masques et de prothèses qui déforment les corps humains. Après des textes de Copi et de Mayenburg, Louis Arene et Lionel Lingelser, à la tête du Munstrum, s’attaquent cette fois à une tragédie de Shakespeare, la plus sombre. Mais ils annoncent d’emblée une adaptation en remplaçant le « c » par un « k » et en indiquant « d’après ». Ces indices congédient la lettre du texte, mais aussi un geste de mise en scène qui serait fondé sur une dramaturgie chargée de déplier les strates de l’œuvre pour en offrir une relecture. Le Munstrum livre une interprétation visuelle et plastique de la pièce, qui donne naissance à des images aussi spectaculaires que cauchemardesques.
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« Père et fils » de Pedro Penim aux Abbesses – penser la GPA, le féminisme et la question du genre depuis Tourgueniev

Pedro Penim est le successeur de Tiago Rodrigues à la tête du Teatro Nacional D. Maria II de Lisbonne, depuis 2021. Après avoir été invité avec plusieurs spectacles en France, il est accueilli cette année dans le double cadre du Festival d’Automne à Paris et de la saison France-Portugal 2022 avec sa dernière création, Père et fils. Le titre est emprunté à un roman de Tourgueniev, qui à la fin du XIXe siècle dressait le portrait des premiers nihilistes, ceux que Dostoïevski considérera dans Les Démons comme la première génération des révolutionnaires avant celle des socialistes-terroristes, ces deux œuvres étant perçues après coup comme prophétiques des révolutions russes du début du XXe siècle. Le metteur en scène procède à une actualisation de l’œuvre qui l’inspire, plutôt qu’à une adaptation, en nourrissant le motif du conflit générationnel par des débats propres à notre époque. Le spectacle qui résulte de cette opération est intellectuellement dense, tout particulièrement dans sa première partie.
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