Dans le petit théâtre de l’Aktéon, se joue la toute première pièce de Brecht, La Noce chez les petits bourgeois. La jeune compagnie La Pièce montée redécouvre ce classique rarement porté à la scène, avec finesse et dynamisme.
Le soir de la noce, sont rassemblés dans la salle à manger tous les amis des mariés, leur famille, leurs connaissances et jusqu’au fils de la concierge. Tous sur leur trente-et-un, ils viennent célébrer cette union et faire bombance pour l’occasion. C’est aussi l’inauguration des meubles faits mains par le mari qui font la fierté de sa femme.
Peu à peu, pourtant, les rires deviennent grinçants, les phrases cinglantes et les chaises s’effondrent. Quand certains cherchent à mettre l’ambiance, d’autres la glacent d’une simple phrase. L’alcool délie les langues, désinhibe des codes sociaux et donne à voir la vraie nature de ces bourgeois – peu glorieuse. L’apparence ne fait pas le poids et les masques tombent pour laisser éclater la vérité.
C’est bien là le cœur de la satire de Brecht dans cette pièce, et celui qui porte le message semble bien être le mari. Il ne tient pas à vernir ses chaises, peu soucieux d’esthétique, et voit en ses invités des rapaces, présents que dans l’unique but de boire, de manger et de critiquer. Le mobilier devient la matérialisation des convictions des uns et des prétentions sociales des autres.
Alors que la chaleur (réelle !) monte avec la pression, le mariage, lui, tourne au fiasco. Si le spectateur met du temps à identifier les rapports entre les nombreux personnages, il saisit bien les tons employés et la valeur des remarques lancées. Même les non-dits parlent pour eux, dès le début de la pièce, mais aussi dans la façon qu’ils ont de manger et de se couper la parole.
Les neuf comédiens sur scène collent à la peau de leur personnage, augmentant par là le réalisme de la pièce. Aussi nombreux soient-ils, ils jouent en permanence, à force de mimiques et de gloussements. Ils circulent sans peine dans cet espace étroit, autour de la table, passant d’une chaise à l’autre, tantôt dansants, tantôt chantants.
Le décor, quant à lui, a une part importante dans la mise en scène. Ce qui pourrait desservir le texte dans une autre pièce, met ici en relief l’attention portée aux choses matérielles. Il en va de même pour les costumes et les accessoires.
Cette mise en scène, dense et énergique, fait rire, mais surtout rappelle la modernité du texte et le sens aigu de l’observation de Brecht.
F.