« La Pierre » de Mayenburg au théâtre La Colline

Le temps circule entre 1935 et 1993, dans cette maison que se sont partagée trois familles, de l’entre-deux guerre à la fin de la guerre froide. Les femmes, surtout, qui y ont habité en défendent l’appartenance, laissant voir tout un pan d’histoire concentré dans ce microcosme.

Au centre, il y a la grand-mère, la fille et la petite fille, qui reviennent maintenant que le rideau de fer est tombé, qui tentent de se réapproprier les lieux et qui redécouvrent le passé. A gauche, il y a le fantôme de la femme juive qui a dû laisser sa maison en 1935 à un prix dérisoire, contrainte à la fuite. Enfin, à droite, il y a une autre jeune fille qui revendique aussi son enfance à travers cette maison, et qui elle a habité là, quand l’Allemagne était divisée.

Au-dessus de la scène, les dates se croisent rappelant par là les parcours désordonné de la mémoire, entre les époques, les personnes et montrant aussi la transmission de l’histoire, familiale et internationale. Les meubles sont là, recouverts de tissus, symbolisant à la fois le départ et le retour. Enfin, en arrière, il y a la balançoire. La fameuse balançoire qui, elle, a connu tous les habitants de la maison, orientée parfois vers les arbres et d’autres fois vers la maison, selon son occupante. De droite à gauche, elle rythme la pièce comme un pendule.

Le temps est donc bien la thématique centrale de la pièce de Mayenburg. Il se situe en acte, vers l’arrière, mais aussi vers l’avenir, avec Hannah qui rêve de vivre aux Etats-Unis. Avec lui, sont à demi dévoilées des zones d’ombres de l’histoire familiale. La pierre, sur son socle, à gauche de la scène, rappelle bien ces non-dits, ces mensonges.

Il faut donc réussir à démêler ces entrelacs : qui est qui, quels sont leur liens, qui dit la vérité, et enfin, à qui appartient donc cette maison. De fil en aiguille, d’une époque à l’autre, l’aube est entrevue. Elle annonce la fin des passions désordonnées, le retour de l’ordre, le temps du jugement et des condamnations. Mais peut-on vraiment construire un ordre quelconque sur ce tas de ruine, peut-on juger quand c’est si obscur ?

 Autour de ce noyau qu’est la maison, les comédiens se meuvent comme des électrons moins libres qu’enchaînés par leurs cauchemars et leur malaise. C’est profond de vérité et poignant, en somme, une belle mise en abyme de l’Histoire.

F.

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