« Baby Doll » de Tennessee Williams

Il y a le vent chaud, il y a les grillons, il y a les cris et les éclats de rire, la passion et la justice. Tout est là, reconstitué, pour nous transporter dans cette atmosphère si particulière du Sud des Etats Unis. De l’écran à la scène, l’œuvre de Tennessee Williams garde toute sa force.

La pièce commence la veille des 20 ans de Baby Doll. Il ne reste que quelques heures avant que son mari, l’exploitant en coton Archie Lee, puisse enfin consommer le mariage prononcé il y a deux ans, suivant la promesse qu’il a tenu au père de la jeune fille.

Seulement voilà, Archie est ruiné, la maison vidée, seul reste le lit dans la chambre d’enfant. Dans ces conditions, Baby Doll décrète qu’elle ne sera pas sienne tant que la situation ne sera pas améliorée. Une nuit, prêt à tout, Archie va mettre le feu à l’égraineuse de son voisin Vacarro, pour récupérer tout le travail…

Des rires aux larmes, de l’attirance au rejet, les liens se nouent et se dénouent entre le beau rital et la chère Baby Doll. Cette rencontre est décisive pour la Daddy’s Girl qu’elle est, de la même façon que Dick révèle Rosemary dans Tendre est la nuit, de Fitzgerald. En quelques heures, elle passe de la femme-enfant capricieuse et encore trop soumise à la volonté de son père décédé, à une jeune fille sûre d’elle-même et de son charme, ayant trouvé un homme à sa hauteur.

Le décor est celui de la maison d’Archie, tout en bois. Il laisse entrevoir les champs derrière, le ciel plus ou moins menaçant et surtout la vieille voiture qui est le point de rencontre entre Vacarro et Baby. Tout se concentre en effet là, dans ces pièces vidées, où passent parfois Tante Rose, qui s’occupe des tâches ménagères, et Moïse, l’aide d’Archie.

On y entre comme on y sort, on y joue à cache-cache, on y dort, on y dîne. Toute la passion, la fureur des sentiments, est enfermée dans cet espace, grandissant ainsi le drame. Le battement des cœurs en émoi, l’énergie des corps, quasi organiques, et le rythme effréné créent un arrière-plan sonore sans fin.

Mélanie Thierry épouse de son corps cette musicalité, accompagnée des mains parfois violentes et d’autres fois sensuelles des deux hommes. Tous semblent sortis des champs et jetés sur scène, tant leur performance est criante de vérité.

Il n’y a plus qu’à (re-) voir le film d’Elia Kazan pour se laisser bercer dans cette chaleur qui alourdit les corps et éveille les âmes, ou lire Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, d’Harper Lee dont bon nombre de thèmes sont communs.

F.

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