« Sacré nom de Dieu » d’après Flaubert par Jacques Weber

Adepte du monologue sur scène, Jacques Weber introduit cette fois une présence féminine à ses côtés, Magali Rosenzweig. Il endosse le rôle de Flaubert qui lui sied à merveille. La réincarnation est immédiate, la voix de Weber résonne depuis le royaume des morts.

Lors d’une nuit de violent orage, Flaubert partage avec sa domestique, Marie, ses combats et ses ambitions. Il peine à finir Madame Bovary et Louise Collet, son amante, a mis fin à leur relation. Il est sans cesse sollicité pour venir vivre à Paris mais l’ours préfère sa tanière pour travailler avec acharnement.

A partir de sa correspondance, Arnaud Bedouet imagine un dialogue fictif entre l’auteur et son aide. C’est ce sur quoi il se base pour mettre en scène avec Loïc Corbéry, un homme colérique et violent.

Dans ce qui pourrait être son gueuloir, où il faisait ses lectures à voix haute, il se rebelle contre la société parisienne avide de gloire et de fastes. Il rejette violemment le romantisme, derrière les traits de Lamartine et Musset qui en prennent largement pour leurs frais ! Sa colère s’étend même jusqu’au pays auquel il appartient, à sa démocratie et à son Académie Française. Ces critiques, il décide de les rassembler dans Le Dictionnaire des Idées reçues. L’objet du livre est de dénoncer toutes les affirmations répétées qui perdent de leur sens à force d’être dites (précurseur de l’absurde de Ionesco ?).

Dans de percutants discours imaginés il dresse le procès de toutes ces formes de vices. Il affirme haut et fort sa trivialité à sa fidèle Marie qui, patiemment, l’écoute. Ses mots d’ordre son travail, patience, esthétisme. Il refuse toute sentimentalité personnelle et écrit pour « l’âme du monde ».

Il clame le Beau qui devrait être la seule raison d’être de l’art, au-delà de l’enseignement morale et de la portée philosophique. Son idéal ?

« Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien, un livre sans attache extérieur qui se tiendrait pas la force interne du style… ».

Belle rencontre avec Flaubert, malgré ses cris, sa maladie, son indifférence et son intolérance. Par ses doutes, il revêt un caractère humain. Son carnet dans la poche, il rature et recommence chaque ligne écrite. Ses idées fusent, il en vient à écrire sur les murs et s’écrouler dans ses brouillons. On redécouvre des textes d’une étrange modernité avec plaisir.

Bémol quant au décor. Les coulisses sont largement dévoilés, la déchéance que porte Weber et sur-amplifiée par des objets froids et neutres.

F.

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