« Les 3 Parques m’attendent dans le parking » de Jacques Rebotier aux Amandiers

Le titre du spectacle de Rebotier annonce la couleur ! « Les 3 Parques m’attendent dans le parking » est une exploration savoureuse du langage et des discours dans notre société par trois jeunes femmes débordantes d’énergie et de ressources.

Séparées du public par un voile translucide, trois Parques filent notre vie et se prennent parfois à en rompre le cours d’un geste sec et franc. Assises sur leurs valises à roulettes lumineuses, elles se font l’écho des êtres humains et de leurs phrases toutes faites. Dans un unisson parfait, elles les reprennent hors de leur contexte et désamorcent leurs particularités pour faire entendre leur universelle banalité.

Leur matière est pour le moins hétérogène. Des discours politiques à ceux de l’entreprise en passant par la mythologie et les discours amoureux, elles s’interrogent sur la matière des mots, sur leurs sonorités et sur les tics de langage – non sans humour. De fil en aiguille, elles tissent des réseaux, suivent les bonds les plus incongrus de leurs pensées, sans jamais s’arrêter à une logique ou à un message univoque.

Ces mélopées sont rythmées par la minuterie : à chaque passage au noir, la configuration est repensée, comme les trois côtés d’un triangle dont les combinaisons sont infinies. Elles en essaient donc de différentes autour des thèmes effleurés de Jason, sa toison, Fred et Nancy, Guillaume ou William Tell et sa pomme du Jardin désespéré. Une tirade résume d’un seul coup toutes ces connexions qui associent Jason et les Parques à shakes-poire et les fées, dans un délire verbal qui joue sur les étymologies et les sonorités.

Après tout, peu importe ce dont il est question. Ce qui préside au spectacle est une esthétique du détournement qui fait lire « ortie » à la place de « sortie » et « eat and die » dans « Théâtre des Amandiers ». Derrière leurs masques qui ne représentent rien d’autre que leur propre visage, elles s’efforcent de saisir le réel pour mieux le déconstruire.

Le lieu où elles se trouvent est volontairement multiple. Aire d’autoroute ou quai de gare, la matière sonore en fait un endroit surplombant la Terre. Les images projetées sur le voile qui les isole du public semblent être une fenêtre, une ouverture sur le monde qu’elles commentent et imitent tout en filant, lasses de ne pas pouvoir mourir elles aussi.

Cet éternel présent qu’elles rejouent en se répartissant les rôles de la naissance, de la vie et de la mort ne peut prendre fin que lorsque l’une d’entre elles s’effondre. Dès lors, l’harmonie est brisée et ne peut plus être reconstituée. C’est la fin d’un monde.

Dans ce foisonnement verbal et scénique les trois comédiennes trouvent leur place sans peine. Maîtrisant aussi bien le chant que les arts du cirque pour Vimala Pons, le trio est équilibré entre ces trois personnalités qui se dévoilent paradoxalement lors des unissons.

Cet « oratorio du quotidien » comme le désigne Rebotier, à l’origine du spectacle dans toutes ses dimensions, est une bouffée de fraîcheur et de légèreté qui contraste avec le sérieux des problématiques politiques actuelles et que l’on accueille à bras ouverts.

F. pour Inferno

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