Étiquette : souffrance

« La Condition ouvrière » de Simone Weil [extrait] – anéantissement de l’homme par la machine

Professeure agrégée de philosophie, Simone Weil s’engage en décembre 1934 comme manœuvre dans une usine. Pendant 9 mois, elle partage le quotidien des ouvriers et ouvrières pour comprendre la condition réelle qui est la leur – condition servile, conclut-elle. L’expérience n’est pas purement intellectuelle : Simone Weil a à cœur d’améliorer cette condition, non en diminuant le temps de travail et en offrant à la classe ouvrière davantage de loisirs, mais en envisageant le travail comme une éducation assurant l’épanouissement. Outre ses témoignages, ses échanges nombreux avec des patrons d’usine et ses réflexions sur les syndicats ouvriers après les grèves de juin 1936 le confirment : Simone Weil ne dénonce pas les souffrances et humiliations des ouvriers dans la perspective révolutionnaire et utopique d’abolir le travail en usine ; l’émancipation à laquelle elle aspire reste en prise avec les impératifs économiques du pays, alors que la menace de la guerre pèse : elle doit se faire par le travail.
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« Kliniken » de Lars Norén, mis en scène par Julie Duclos au Théâtre de l’Odéon – condensé de désespoirs

Un an et quelques mois après la mort de l’auteur suédois Lars Norén, le Théâtre de l’Odéon présente l’une de ses pièces, Kliniken, dans une mise en scène de Julie Duclos. Il y a dix ans, Stéphane Braunschweig, alors directeur de la Colline, avait programmé Salle d’attente de Krystian Lupa, d’après Catégorie 3.1 du même auteur. Ces deux spectacles dialoguent dans la mémoire du spectateur, car tous deux offrent de longues fresques qui dressent le portrait de marginaux, ceux qui vivent dans la rue et se croisent dans les non lieux d’une ville d’une part, et ceux réunis dans un hôpital psychiatrique d’autre part. L’immersion que propose Julie Duclos dans l’institution médicale est douloureuse. Un condensé de détresses, de désespoirs et de dépressions nous attend, qui finit inévitablement par toucher mais qui amène à interroger la pertinence de monter ce texte aujourd’hui, alors que nos morals sont si fragiles.
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« Vie de Henry Brulard » de Stendhal

Un soir à Rome, sur le mont Janicule, Stendhal, alors âgé de cinquante-deux ans, décide d’écrire son autobiographie afin de savoir ce qu’il a été. Ainsi naît la Vie de Henry Brulard, ou plutôt celle d’Henry Beyle, l’enfant Stendhal. Le souvenir de son enfance malheureuse, constamment interrompu par des remarques inscrites dans le présent d’écriture, fait de cette œuvre une véritable plongée dans les profondeurs du moi et dans  le tourbillon de la mémoire de l’écrivain.…

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« Albertine Disparue » de Marcel Proust

Le tome cinq de la Recherche, La Prisonnière s’achevait sur un coup de théâtre : Albertine, apparemment soumise au héros, le quitte, sans le prévenir. La suite, Albertine Disparue, initialement intitulé « La Fugitive », reprend le récit à cet instant même où Françoise, la domestique, lui annonce : « Madame Albertine est partie !…

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