Étiquette : metteur en scène

« Guermantes » de Christophe Honoré – se consoler du présent en rêvant la vie d’artiste

En avril 2020, Christophe Honoré devait présenter sa dernière création avec la troupe de la Comédie-Française : Le Côté de Guermantes, d’après Marcel Proust. Reportée, la pièce est finalement créée en septembre, et elle reste à l’affiche pendant plusieurs semaines, ne cessant de s’adapter aux nouvelles mesures sanitaires : la distanciation, les jauges réduites, le couvre-feu, etc. Les multiples rebondissements qui ont marqué la création de ce spectacle ont inspiré un film au metteur en scène, qui est aussi réalisateur. De l’abattement que provoquent les reports et annulations successives, émerge une idée, un projet, qui permet de parler de la situation présente et d’échapper à sa pesanteur : un film sur la troupe de la Comédie-Française pendant les répétitions d’un spectacle d’après Proust, quand les acteurs et le metteur en scène apprennent que la première n’aura pas lieu. Alors qu’une impression d’anachronisme se dégageait du spectacle en réalité créé, le film ramène à notre époque et nous console avec des fantasmes.
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« Théâtre/Roman » d’Aragon [extrait] – considérations sur le théâtre, formulées dans les années 70

Depuis deux siècles le tantôt, ton Dom Juan, mon cher, il a pris du bleu sur la touche, et à force d’être joué, on lui a trouvé des fossettes que tu ne lui connaissais pas, à ton marmouset. Tu l’as vu, joué par Jouvet ? tu l’as vu, joué par Vilar ? Au bout de deux siècles, il a atteint l’âge d’Arnolphe, un vieillard de quarante ans qui ne se donne pas la peine de faire l’éducation des filles, se contentant de les baiser.
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« Le roman théâtral » de Mikhaïl Boulgakov – quand la littérature rencontre le théâtre

Le Roman théâtral est une œuvre inachevée de Boulgakov, non parce qu’il a brûlé la fin du manuscrit – comme Gogol qui a jeté au feu le second volume des Âmes mortes –, non parce qu’il a délaissé le projet à la faveur d’un autre, mais parce que la mort le surprend. Son décès condamne son œuvre à demeurer en chantier, pour toujours, délaissée au milieu d’un chapitre, et presque, d’une phrase. Cet inachèvement désole d’autant plus que ce qui nous reste laisse mal entrevoir ce qui manque. L’œuvre est fuyante, qui parle d’une autre œuvre. Ou plutôt de deux : ce qu’on lit est un cahier de notes, pas vraiment destiné à la publication, écrit par un narrateur qui se découvre un jour auteur, qui publie un texte qu’on lui demande bientôt d’adapter pour le théâtre. Boulgakov écrit donc un roman sur une pièce de théâtre adaptée d’un roman, dont on ne sait rien, ou peu de choses. La substance du récit réside dans cette rencontre de la littérature et du théâtre, dans les étincelles que produit le choc de la découverte de ces deux mondes, confrontation sur laquelle plane la menace d’un échec – dont on ne connaîtra jamais les circonstances.
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