Étiquette : intime

« Neandertal » de David Geselson à l’Autre Scène du Grand Avignon – quête sur l’humain, des origines au présent du plateau

David Geselson est acteur depuis un vingtaine d’années, à l’écran et à la scène, et metteur en scène depuis une dizaine. Après de petites formes, à un ou deux au plateau, il gagne en ampleur avec Le Silence et la Peur. Avignon lui offre des moyens plus importants encore pour sa dernière création, Neandertal. Le changement d’échelle que permet le festival ne réussit pas toujours aux artistes, mais l’art de Geselson paraît au contraire s’épanouir. Avec six acteurs et actrices au plateau, un musicien, une dessinatrice et une scénographie transformable qui transporte d’un lieu à l’autre, il offre une fresque épique en forme de quête des origines, qui fonctionne pleinement grâce à sa grande maîtrise dramaturgique, dans l’écriture et sur scène, et sa direction d’acteur très fine.
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« Familie » de Milo Rau à Nanterre-Amandiers – théâtre pornographique : la reconstitution du réel à tout prix, au prix du jeu et de l’intimité des acteurs

Depuis plusieurs années, l’artiste suisse Milo Rau est accueilli en France avec ses spectacles, qui toujours explorent les relations entre le réel et le théâtre à partir de la question de la représentation de la violence sur scène. Après Five Easy Pieces, sur les crimes de Marc Dutroux, La Reprise, sur le meurtre d’un homosexuel à Liège en 2012, Rau s’empare d’un nouveau fait divers dans Familie : le suicide des quatre membres d’une famille en 2007, près de Calais. Les deux précédentes œuvres de ce triptyque démontraient comment le théâtre pouvait permettre d’apprivoiser l’horreur, par le jeu. Dans celle-ci, la démarche est inverse. Le fait d’amener une vraie famille sur scène évacue presque totalement le jeu, au point de faire naître un malaise extrême.
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« Et le coeur fume encore » de Margaux Eskenazi et Alice Carré au TGP – le présent depuis l’Histoire, l’Histoire depuis l’intime

La compagnie Nova, qui a commencé il y a quelques années avec des mises en scène d’œuvre classiques (Hernani, Richard III), présente au TGP sa dernière création, Et le cœur fume encore, spectacle présenté et remarqué dans le Off du Festival d’Avignon 2019. Il s’agit du deuxième volet d’un diptyque intitulé « Ecrire en pays dominé », amorcé en 2016 avec Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre. Dans ces deux opus, la compagnie garde un lien fort avec la littérature, mais ses membres la mobilisent cette fois pour aborder certains pans de la réalité contemporaine française, que leur suggère leur expérience intime. Après avoir réfléchi au métissage des langues dont ils ont hérité, imprégnés de textes d’Aimé Césaire, Senghor et d’autres, ils s’attaquent dans Et le cœur fume encore à la mémoire de la guerre d’Algérie. Outre leurs histoires personnelles, l’impulsion leur est donnée par Kateb Yacine, grand auteur de la décolonisation, à qui ils empruntent un vers pour le titre de leur spectacle. Un vaste travail de collecte d’archives et de témoignages recueillis auprès de leurs proches, mené par Margaux Eskenazi et Alice Carré, leur a permis de reconstituer certains épisodes de la guerre d’indépendance algérienne, et de tisser une réflexion sur ses formes de permanences dans la société actuelle.
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« Une lumière au cœur de la nuit : le lustre, de l’intime à la scène » de Georges Banu – Réverbérations d’une lecture

En 2009, Georges Banu faisait paraître Des murs… au Mur aux Editions Gründ. En 2015, La Porte, au cœur de l’intime, aux Editions Arléa. Cette dernière maison a offert à l’auteur une nouvelle opportunité d’écrire un de ces textes situés un peu à la marge de ses publications habituelles, généralement consacrées au théâtre.
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« Lucy in the sky est décédée » de Bérangère Jannelle au TGP – spectacle romanesque

Au Théâtre Gérard-Philipe, Bérangère Jannelle présente actuellement Lucy in the sky est décédée. Un titre énigmatique pour un spectacle dont la conclusion est justement l’énigme, celle à laquelle se confrontent les vivants et que les morts arrivent à peine à dissiper. Dans le texte de présentation publié sur le site du théâtre, la création est présentée comme « un conte moderne, une chronique à la fois documentée et fabulée de la naissance du monde contemporain, depuis la découverte de Lucy en 1974 et le premier grand choc pétrolier jusqu’à aujourd’hui ». Le programme paraît ambitieux, peut-être même un peu grandiloquent, mais dès la lecture de ce texte, une attirance prend forme, fondée sur un propos qui sort du commun et qui promet d’enrichir, et sur les bribes d’une histoire qui intriguent. L’intuition première se révèle juste : l’articulation de savoirs et d’une fiction emporte, tandis que le caractère réflexif du spectacle annoncé a finalement la discrétion et la distinction d’une métaphore. L’œuvre procure une expérience de type romanesque au spectateur, qui invite à l’appréhender à travers les catégories de ce genre.
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« GRANMA. Les trombones de La Havane » du Rimini Protokoll – partie de béisbol entre deux générations et deux pays

Le Laboratorio Escenico Experimental Social (LEES) est une association qui stimule la création artistique cubaine grâce à des invitations à des artistes étrangers, des résidences, des rencontres ou encore des conférences. En février 2018, ses fondatrices recevaient Stefan Kaegi dans les murs de la Casona Teatral Vincente Revuelta, pour un atelier au cours duquel l’artiste suisse présentait les principes du collectif berlinois Rimini Protokoll, aujourd’hui internationalement reconnu. Depuis ses débuts en 2000, le collectif a été initiateur d’un théâtre documentaire – particulièrement prisé par le théâtre contemporain – fondé sur un travail de terrain et la collaboration avec des « experts du quotidien », des individus non-acteurs qui montent sur scène et mettent en perspective l’Histoire avec leur vie intime. Ce mode de création implique un long temps de collecte et une pénétration profonde dans la vie des individus, mais il nécessite également l’élaboration d’une dramaturgie précise, pour que toute cette matière devienne spectacle. Au moment de la rencontre évoquée, le Rimini Protokoll avait déjà commencé une vaste « investigation théâtrale » sur Cuba. Trois ans et demi plus tard, le résultat de cette enquête, intitulé GRANMA. Les Trombones de La Havane, est présenté à la Commune d’Aubervilliers dans le cadre du Festival d’Automne. L’œuvre conçue immerge de manière fascinante dans l’histoire et dans la réalité cubaine d’aujourd’hui, à travers les récits de quatre jeunes.
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« Les Idoles » de Christophe Honoré à l’Odéon – hommage aux morts et au théâtre

Christophe Honoré suit Stéphane Braunschsweig du Théâtre de la Colline à celui de l’Odéon, pour présenter après Nouveau Roman et Fin de l’histoire sa dernière création, Les Idoles. Dans ce spectacle, le metteur en scène assume une perspective plus intime, et propose une rêverie autour de tous les morts du sida qui ont peuplé sa jeunesse. Faisant du plateau la surface de projection de sa mémoire et de ses fantasmes, il invite ses idoles – ces morts qui ont continué de vivre avec lui, qui constituent des repères en même temps que des compagnons de vie – et dresse à travers eux le portrait d’une époque. Le spectacle s’annonce grave, mélancolique et un peu narcissique, mais il est loin de n’être que cela : il est aussi plein de poésie, d’humour, de finesse et de joie.
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« Confesiones » par le Grupo Yuyachkani – « My Life in Art »

Parmi tous les événements qui animent La Havane en ce mois de mai – le Festival du film français, le mois de la culture française, la biennale du design… – figure aussi le Mayo Teatral. Pour sa huitième édition depuis 2001, ce festival de théâtres d’Amérique latine et des Caraïbes met à l’honneur le « Grupo », la compagnie, le collectif, mode de création et de production majeur de cette région du monde.…

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« The Ventriloquists Convention » de Gisèle Vienne aux Amandiers : l’étrangeté de l’étranger en soi

Quelques mois après This Is How You Will Disappear, Gisèle Vienne, artiste associée au Théâtre Nanterre-Amandiers depuis presque un an, y présente cette fois The Ventriloquists Convention dans le cadre du Festival d’Automne. Point de forêt ni de brume inquiétante dans ce spectacle, dont le texte est signé par Dennis Cooper, son acolyte depuis onze ans, mais tout de même de multiples formes d’étrangetés et de troubles produites par la présence sur scène de marionnettes – qui inscrit le spectacle dans la lignée de Jerk – mais aussi de ventriloques.…

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« Ça ira (1) Fin de Louis » de Pommerat aux Amandiers : ça ira, oui, il faut bien que ça aille, alors ça ira

Après Au monde l’an dernier, Joël Pommerat propose une nouvelle création au Théâtre Nanterre-Amandiers, Ça ira (1) Fin de Louis. Le chiffre entre parenthèses du titre suggère qu’il s’agit là du premier volet d’une suite, d’une première partie, consacrée à la Révolution Française, de son avant, depuis 1787, à son après, jusqu’en 1791.…

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