Étiquette : humain

« Neandertal » de David Geselson à l’Autre Scène du Grand Avignon – quête sur l’humain, des origines au présent du plateau

David Geselson est acteur depuis un vingtaine d’années, à l’écran et à la scène, et metteur en scène depuis une dizaine. Après de petites formes, à un ou deux au plateau, il gagne en ampleur avec Le Silence et la Peur. Avignon lui offre des moyens plus importants encore pour sa dernière création, Neandertal. Le changement d’échelle que permet le festival ne réussit pas toujours aux artistes, mais l’art de Geselson paraît au contraire s’épanouir. Avec six acteurs et actrices au plateau, un musicien, une dessinatrice et une scénographie transformable qui transporte d’un lieu à l’autre, il offre une fresque épique en forme de quête des origines, qui fonctionne pleinement grâce à sa grande maîtrise dramaturgique, dans l’écriture et sur scène, et sa direction d’acteur très fine.
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« Eraser Mountain » de Toshiki Okada et Teppei Kaneuji au T2G – le théâtre – l’humain = 0

La devise choisie par Pascal Rambert à l’époque où il dirigeait le T2G, « L’art comme expérience », empruntée au philosophe John Dewey, paraît toujours d’actualité à l’ère Daniel Jeanneteau. Avec Eraser Mountain du moins, spectacle japonais accueilli dans le cadre du Festival d’Automne signé par Toshiki Okada et Teppei Kaneuji. Alors qu’au même moment, un autre spectacle japonais, La Forteresse du sourire de Kurô Tanino, reconstitue la vie quotidienne de deux maisons mitoyennes grâce à une esthétique ultraréaliste, Eraser Mountain confronte d’emblée à une scène inassignable qui fait tendre le théâtre vers l’installation plastique. Le metteur en scène dit avoir voulu « brouiller la frontière entre les hommes et les objets », et proposer un théâtre « moins anthropocentrique ». Le résultat de ses recherches est un spectacle qui invite à la contemplation d’une scène sur laquelle la présence des acteurs est absentée, dissoute. Une contemplation qui prend cependant le risque de congédier le spectateur – son regard, son attention, son intérêt.
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« La Vallée de l’étrange » du Rimini Protokoll – humain ou robot ?

La Vallée de l’étrange est un spectacle qui a été présenté pour quelques dates seulement à Paris au Centre culturel suisse d'abord, puis à la Villette. Il s’agit de la dernière création du Rimini Protokoll, collectif de théâtre allemand connu pour ses enquêtes documentaires sur certains lieux, à partir desquels ils révèlent des pans d’histoire ou de la réalité contemporaine. En décembre dernier, le collectif présentait ainsi Les Trombones de La Havane à la Commune d’Aubervilliers, après plusieurs mois d’immersion à Cuba. La démarche de Stefan Kaegi, à l’origine du projet, est cette fois différente. La Vallée de l’étrange n’est pas le résultat d’un long travail de recherches documentaires sur un contexte spatio-temporel particulier. Le spectacle naît d’une rencontre avec Thomas Melle, écrivain allemand, avec qui le Rimini Protokoll propose un test de Turing extrême au spectateur : parviendra-t-il à faire la différence entre un robot et un humain ? L’expérience proposée met à l’épreuve nos capacités perceptives, mais nous amène surtout à nous questionner sur notre humanité, nous invitant à nous demander à quoi elle tient quand la technologie entreprend de l'imiter.
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« Dans le pays d’hiver » de Silvia Costa à la MC93 – invoquer le divin pour penser l’humain

Silvia Costa, metteure en scène et plasticienne, est également interprète dans l’œuvre qu’elle présente dans le cadre du Festival d’Automne, à la MC93, Dans le pays d’hiver. L’artiste arrive d’Italie, comme le duo Daria Deflorian et Antonio Tagliarni, qui viennent une nouvelle fois en France avec leur dernière création, Quasi niente. L’art de ces artistes se situe pourtant aux antipodes, avec d’une part un théâtre documentaire situé au plus près du réel, volontairement très peu spectaculaire, et de l’autre un théâtre qui se nourrit de mythologie pour créer des visions scéniques à caractère pictural.
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« The Great Tamer » de Dimitris Papaioannou à la FabricA – sur la crête du sensible

Parmi les nombreuses manifestations rassemblées pour le Festival d’Avignon, il y en a qui lui sont propres, quoi qu’elles ne le définissent pas. Ce sont ces formes hybrides rassemblées dans la catégorie « Indiscipline », catégorie vaste et un peu malicieuse qui s’extrait des distinctions génériques et mêle le théâtre, la danse et la performance. L’œuvre de l’artiste grec Dimitris Papaioannou, The Great Tamer, créée en mai à Athènes et présentée à la FabricA, fait partie de ces spectacles, comme Espæce l’an passé, ou À mon seul désir de Gaëlle Bourges, qui illustrent la pertinence de cette catégorie transversale, qui déplace les lignes de la perception. À défaut d’un nom d’auteur, d’un titre de texte, la seule indication qui précède la découverte de l’œuvre est la suivante : « certaines scènes du spectacle comportent de la nudité ». Ce qui pourrait passer pour une revendication de modernité se révèle rapidement une nécessité : comment proposer une genèse de l’homme sans en passer par sa nudité première ? La genèse du « grand dompteur » d’images Papaioannou n’est pas biblique, ni historique, mais rêvée, onirique ; une genèse qui se passe du langage et laisse ainsi une part indécidable de subjectivité dans sa lecture – quoiqu’elle paraisse limpide.
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« La Condition humaine » de Malraux – humain, pas assez humain

« Les mêmes chemins qui mènent l’individu au crime mènent la société à la révolution ». Telle était la thèse développée par Dostoïevski dans son roman les Démons selon le critique Berdaiev. La formule resurgit à l'esprit quand on lit La Condition humaine d’André Malraux. Dans cette œuvre, qui lui vaut de recevoir le Prix Goncourt l’année de sa publication, Malraux relate un épisode de la révolution chinoise, l’insurrection communiste de Shanghai, en 1927. Variant les points de vue, d’un personnage à l’autre, Malraux joue également avec les échelles. Dans cette œuvre, il fait coexister celle de l’individu, celle de la société, celle d’un pays ou encore celle du mouvement communiste de la Russie à la Chine – qui réduit l’homme à néant en le perdant de vue.
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Dostoïevski, entre l’art et la science – Dmitri Merejkowski

Pour certains lecteurs, Dostoiewsky sera toujours un talent cruel, et rien autre que cruel.

C’est qu’en effet il place ses héros dans des situations sans issue et se plaît à les soumettre à toutes sortes d’épreuves. C’est à travers des abîmes de déchéance morale, et toutes les tortures de l’esprit, qu’il les mène au crime, au suicide, à l’idiotie, à la fièvre chaude et à la démence.…

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« Les Carnets de la maison morte » de Dostoïevski – récits du bagne

Dans les Carnets de la maison morte, Dostoïevski rend compte de son séjour au bagne, alors qu’il a été déporté pendant quatre ans dans le camp d’Omsk, en Sibérie, pour des raisons politiques. De son expérience, il fait un récit qui oscille entre la fiction, le témoignage et le reportage journalistique, et qui rend finalement moins compte de son vécu que de ses découvertes en détention – découvertes essentiellement humaines qui vont irriguer toutes ses œuvres par la suite.…

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« Crime et châtiment » de Dostoïevski – abîmes

En 1866 est publiée la première grande œuvre de Dostoïevski, Crime et châtiment. Grande, au sens premier d’ample, de longue, par rapport aux nouvelles ou au romans plus courts qui précèdent, mais grande aussi dans la mesure où elle est aussitôt perçue comme le chef-d’œuvre de l’auteur – avant d’être mise en balance par les autres grandes œuvres qui suivent, L’Idiot, Les Démons ou plus encore Les Frères Karamazov.…

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