Étiquette : femme

« The Confessions » d’Alexander Zeldin au Théâtre de l’Odéon – entre Courbet et Hopper, hésitation esthétique pour un récit féministe

Alexander Zeldin, artiste britannique associé au Théâtre de l’Odéon, a été découvert en France ces dernières années avec plusieurs spectacles, parmi lesquels Une mort dans la famille et LOVE. Pour sa dernière création, The Confessions, présentée en juin dernier au Wiener Festwochen puis au Festival d’Avignon, il signe à nouveau le texte et la mise en scène. Le metteur en scène se risque cependant à un déplacement, par rapport à ses précédentes œuvres, caractérisées par une esthétique naturaliste digne d’André Antoine, grâce à laquelle il représentait des pans de la réalité contemporaine trop peu visibilisés : la transition délicate d’une personne âgée de chez elle à un EHPAD, ou la vie dans un hébergement d’urgence pour personnes expulsées. Avec The Confessions, Zeldin délaisse aussi bien le choix d’une représentation plus vraie que nature au plateau que la dimension sociale de son théâtre. Il procède à un changement d’échelle et offre le récit de vie d’une femme, et avec lui, le récit féministe d’une émancipation.
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« Institut Ophélie » d’Olivier Saccomano et Nathalie Garraud au T2G – Ophélie, balle rebondissante dans le flipper de l’histoire

Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, tous deux à la tête du Théâtre des 13 vents à Montpellier, présentent au T2G le deuxième volet d’un diptyque. Après Un Hamlet de moins, Institut Ophélie. Shakespeare apparaît comme un point d’entrée dans ces spectacles ; il est avant cela un point de départ pour Olivier Saccomano, auteur. Dans Institut Ophélie, le duo d’artistes joue avec les représentations que l’on a d’Ophélie, figure théâtrale devenue figure picturale, opératique ou encore cinématographique, et tisse à partir d’elle une réflexion sur les femmes, la place qu’elles occupent ou la place qu’on leur donne. La folie d’Ophélie, sa virginité et sa parole prophétique permettent ainsi de traverser tout le vingtième siècle et de rejoindre notre époque. Une traversée dans laquelle le discours est relégué à l’arrière-plan à la faveur d’associations libres, d’une réflexion vive et rebondissante. Cette relégation qui fait toute la poésie du spectacle prend appui sur le travail scénique de Nathalie Garraud, qui crée des visions d’une précision fascinantes et enrichit nos imaginaires de rythmes et de tableaux qui élargissent notre perception.
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« Le Firmament » de Lucy Kirkwood mis en scène par Chloé Dabert au TGP – femmes célestes sous la voûte du patriarcat

Après le CentQuatre et la Comédie de Reims qu’elle dirige, c’est au TGP que Chloé Dabert présente Le Firmament. Ce spectacle est la création française du texte de Lucy Kirkwood, autrice britannique dont une autre pièce, Les Enfants, est actuellement présentée au Théâtre de l’Atelier dans une mise en scène d’Éric Vignier. Lucy Kirkwood a plusieurs fois pratiqué le dialogue avec des œuvres existantes, en réécrivant des contes, en proposant une adaptation d’Hedda Gabler d’Ibsen, ou en reprenant, ici, les grandes lignes du scénario de Douze hommes en colère, pièce de Reginald Rose adaptée au cinéma par Sidney Lumet. Sur chacune de ces œuvres dont elle s’empare, l'autrice appose une perspective féministe. Peu après avoir travaillé avec des femmes victimes du système judiciaire pour une autre pièce, elle imagine dans Le Firmament une fiction qui se déroule dans l’Angleterre de 1756. Elle pratique cependant le télescopage des époques et l’anachronisme volontaire pour penser la place des femmes dans la société, les libertés acquises ou non depuis le XVIIIe siècle, et la survivance effrayante de problématiques liées à leur corps. Une grande intensité dramaturgique et scénique se dégage de la mise en scène de ce texte par Chloé Dabert.
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« La Plâtrière » de Thomas Bernhard – pouvoir de fascination de l’obsession

La Plâtrière est le quatrième roman de Thomas Bernhard, publié en 1970. Il vient après Gel, qui fait connaître l’auteur, ou Perturbation, mais avant les grandes œuvres que sont Le Neveu de Wittgenstein, Le Naufragé, Des arbres à abattre, Maîtres anciens ou Extinction. Le style si singulier de Bernhard, déployé au cours d’interminables paragraphes, caractérisé par la répétition, est déjà en place. De même que la thématique indissociable de ce style, celle de l’obsession. Dans La Plâtrière, l’obsession de Konrad, personnage saisi au moment critique où il vient de tuer sa femme, s’accorde au pluriel.
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« Désobéir – Pièce d’actualité n°9 » de Julie Bérès à la Manufacture – la beauté sans pareil des filles de nos banlieues

Sur la patinoire de la Manufacture sont réunies quatre jeunes d’Aubervilliers ou des alentours, rencontrées par Julie Bérès dans le cadre du projet de la Commune, « Pièces d’actualité ». Reconduit pour une cinquième saison à partir de la rentrée prochaine, ce projet commande à des metteurs en scène des spectacles chargés de répondre à la question : « la vie des gens d’ici, qu’est-ce qu’elle inspire à votre art ? ». Une telle interrogation donne lieu à un théâtre de veine documentaire, qui approche des problèmes d’actualité et s’efforce chaque fois de dégager du sens et/ou de la beauté à partir d’un territoire qui cristallise tout particulièrement les contradictions de notre époque. Julie Bérès trouve cette beauté dans les récits de jeunes filles des banlieues, issues d’immigrations plus ou moins récentes, qu’elle fait porter par quatre actrices qui viennent avec leurs histoires à elles aussi et partagent sur ce plateau ce qu’elles sont, qui touchent profondément.
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« Cataract Valley » de Marie Rémond aux Ateliers Berthier – « théâtre de la conscience et des voix intérieures »

Dans la mémoire d’un spectateur, certaines performances d’acteurs gardent un relief singulier malgré le temps qui passe. Elles s’y sont imprimées de manière durable, au point, qu’avec elles, on ne cherche jamais le nom qui d’ordinaire échappe, que l’on met un moment à retrouver, qu’on a sur le bout de la langue. Dans ces cas-là, le spectacle, et plus particulièrement le jeu d’un acteur, a acquis la force d’un souvenir intime, inoubliable, inépuisable presque. Tel était le cas de l’interprétation de Marie Rémond, lorsqu’elle jouait Yvonne, princesse de Bourgogne dans la mise en scène de Jacques Vincey. Son corps désarticulé, son immense fragilité soumise à une violence tout aussi grande, et en même temps la puissance de son idiotie qui trouble, désempare, et finit par exercer une violence comparable à ceux qui se confrontent à elle, étaient mémorables.
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« La Trilogie de la vengeance » de Simon Stone – histoires de femmes en trois saisons

Après Les Trois Sœursen 2017, Simon Stone présente à l’Odéon où il est artiste associé son nouveau spectacle, La Trilogie de la vengeance. Auparavant, il avait été invité avec Ibsen huisau Festival d’Avignon. Dans cette œuvre déjà, librement inspirée d’Ibsen, Stone mêlait plusieurs pièces de l’auteur norvégien pour composer une grande fresque familiale sur plusieurs générations, et menait son public de révélation en révélation dans l’unique cadre d’une grande maison aux grandes baies vitrées. Le metteur en scène australien réitère l’expérience d’écriture pour sa Trilogie, annonçant cette fois un spectacle qui se nourrit de pièces de John Ford, Thomas Middleton, Shakespeare et Lope de Vega. Pour mettre en scène ce texte qu’il a composé en trois parties, il distingue trois espaces aux Ateliers Berthier. Mais l’originalité de l’œuvre qu’il a conçue réside surtout dans le fait qu’elle peut être découverte de trois manières différentes, suivant trois parcours désignés par les lettres A, B et C. Stone entraîne ainsi son public dans un labyrinthe sophistiqué qui suscite chez lui un plaisir d’enquêteur.
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« La Douleur », Duras – écrire pour oublier

Milieu des années 1980, une revue sollicite Marguerite Duras pour qu’elle lui retrouve un texte de jeunesse à publier. Dans ses recherches, Duras tombe sur un journal qu’elle avait oublié, dans les placards de sa maison à Neauphle-le-Château. Ce journal, « La Douleur », elle l’a commencé en avril 1945, quand dans la France libérée, elle espérait le retour de son mari, Robert Antelme, résistant fait prisonnier politique et envoyé dans un camp un an plus tôt.…

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« Trissotin ou Les Femmes savantes » de Molière au TGP : le rire comme moyen de résistance

Le soir-même d’un réveil douloureux à Saint-Denis, qui a donné le sentiment qu’il s’agissait bien d’une guerre alors que cinq milles balles ont été tirées lors des perquisitions qui ont eu lieu suite aux attentats du 13 novembre, Jean Bellorini avait décidé de maintenir les représentations des deux spectacles à l’affiche du TGP, M’appelle Mohamed Ali, de Dieudonné Niangouna, et Trissotin ou Les Femmes savantes, mis en scène par Macha Makeïeff.…

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« L’Eternel Mari » de Dostoïevski

Peu après avoir écrit L’Idiot, Dostoïevski s’attaque à un projet qui détonne au sein de la production de ses dernières années. Avec L’Eternel Mari, il ne s’agit pas d’une œuvre-fleuve qui multiplie les personnages et superpose les intrigues. Ce roman reprend le schéma traditionnel du théâtre de vaudeville, formé par le triangle amoureux du mari, de la femme et de l’amant, et en propose une version originale.…

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