Étiquette : documentaire

« Welfare » de Julie Deliquet à la Cour d’honneur du Palais des Papes – documentaire ou fiction ?

Le spectacle présenté dans la Cour d’honneur du Palais des Papes cette année est la dernière création de Julie Deliquet, Welfare. Sept ans après Les Damnés d’Ivo van Hove au même endroit, la pratique de l’adaptation de scénario à la scène poursuit son processus d’institutionnalisation. Julie Deliquet s’est déjà distinguée dans cette pratique avec des scénarios de Bergman, Desplechin et Fassbinder, et a rendu le dialogue avec le cinéma caractéristique de son théâtre. Elle s’intéresse cette fois à un film de Frederick Wiseman, qui lui en a lui-même soufflé l’idée. Un film parfois désigné comme un documentaire, immergeant dans le quotidien d’un centre d’aide sociale à New-York, en 1973. La caractérisation trouble de l’œuvre d’origine met en place un pacte trouble avec le public et détermine en grande partie la perception du spectacle : documentaire ou fiction ?
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« 1983 » d’Alice Carré et Margaux Eskenazi au Théâtre des Abbesses – transmettre pour avancer

Après Et le cœur fume encore en 2020, qui portait sur la guerre d’Algérie et ouvrait sur ses conséquences au long cours, la compagnie Nova reprend le fil de sa réflexion et dresse une fresque de la France de 1979 à 1985, dont le point d’orgue est l’année 1983, année d’une Marche pour l’égalité et contre le racisme qui mène de Marseille à Paris. Depuis deux ans, le travail de la compagnie a profondément mûri. La part documentaire toujours importante de son travail, qui nourrit densément la réflexion, est cette fois assortie d’une plus grande conscience des moyens théâtraux qui permettent de la mettre en valeur. Alice Carré et Margaux Eskenazi proposent ainsi un objet composite, qui sollicite la réflexion, fait frissonner d’effroi ou d’émotion, et fait encore rire. Plus profondément, 1983 se charge de transmettre pour ne pas qu’on reparte de zéro, que les combats qu’il est nécessaire de mener aujourd’hui s’inscrivent dans une histoire capable de leur donner poids et ampleur.
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« Mes parents » de Mohamed El Khatib au Théâtre des Abbesses – photo de classe de la promo X de l’École du TNB

Le Festival d’Automne à Paris programme cette année un nouveau spectacle de Mohamed El Khatib après C’est la vie, Stadium, La Dispute et Boule à neige. Mes Parents est issu d’un atelier qu’il a mené en tant qu’intervenant au Théâtre National de Bretagne, avec la promotion X de l’École. Durant cet atelier d’écriture « documentaire », qui s’est en partie déroulé en distanciel, il a invité les élèves à se présenter au travers de leurs parents. De là est né un spectacle créé trois ans après la fin de leur formation, spectacle d’une heure dans lequel on retrouve les travers de la démarche artistique d’El Khatib mais qui a au moins pour mérite de donner à connaître quelques membres de cette promotion.
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« Un vivant qui passe » d’après Claude Lanzmann à la Bastille – « voir au-delà »

Après La Loi du marcheur d’après des entretiens avec Serge Daney, Un métier idéal d’après un reportage de John Berger et Jean Mohr, Le Méridien d’après Paul Celan et Maîtres anciens d’après Thomas Bernhardt, le trio formé par Nicolas Bouchaud, Éric Didry et Véronique Timsit s’empare encore d’un matériau non théâtral. Il s’agit cette fois des rushes d’une interview menée par Claude Lanzmann pour son film Shoah, qui ont finalement pris la forme d’un documentaire à part, Un vivant qui passe (1997). Par rapport aux spectacles qui précèdent, Nicolas Bouchaud n’est pas seul en scène pour une nouvelle démonstration de brillance. Avec Frédéric Noaille, son complice dans plusieurs spectacles de Sylvain Creuzevault, il entreprend de sonder l’histoire en ses recoins les plus sombres. Pourquoi reprendre sur scène l’enquête menée à l’écran par Lanzmann ? C’est la question que soulève un tel spectacle, mais les réponses les plus pertinentes ne sont peut-être pas exactement celles auxquelles pensaient les artistes au départ.
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« C’est la vie » de Mohamed El Khatib à l’Espace Pierre Cardin – Human Zoo

Avec Finir en beauté, il y a eu un avant et un après dans la trajectoire de Mohamed El Khatib. A partir de ce texte devenu spectacle, dans lequel il consigne les derniers moments de sa mère avant d’entreprendre son travail de deuil, son geste artistique change. Désormais, il lui paraît anecdotique de monter des œuvres écrites par d’autres, de raconter des histoires, et même de faire jouer des acteurs. La seule chose qui lui importe devient dès lors le réel, et sa restitution brute sur la scène. Mais quand, suite à cette œuvre qui le fait connaître, le propulse sur les plus grandes scènes françaises et donne une autre dimension à son travail, il fait appel à deux acteurs pour qu’ils témoignent de leur douleur à eux, causée par la perte d’un enfant, sa démarche prend une toute autre dimension – notamment éthique. C’est la vie, présenté dans le cadre du Festival d’Automne à l’Espace Cardin, dérange et fait surgir de nombreuses questions quant au bien-fondé de sa démarche – des questions qui restent sans réponse.
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« Les Fils de la terre » mis en scène par Elise Noiraud au Théâtre des Lucioles – la réalité des campagnes sur scène

Dans Les Fils de la terre, Élise Noiraud à adapté au théâtre le documentaire du même titre d’Edouard Bergeon. Ce fils et petit-fils d’agriculteur devenu journaliste a pris la caméra pour rendre compte de la tragédie des paysans aujourd’hui, qui, croulant sous les dettes et subissant la pression de la concurrence internationale, en viennent pour beaucoup à mettre fin à leurs jours.

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« Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni » et « Reality » de Daria Deflorian et Antonio Tagliarini à la Colline : diptyque

Dans le cadre du Festival d’Automne, les Italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini présentent à la Colline deux spectacles, Ce ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni et Reality. En plus d’être le fruit de la collaboration des deux artistes, metteurs en scène et comédiens pour ces créations, de se partager le même cahier-programme, leur esthétique est commune, mise au service d’une réflexion sur le rapport du théâtre au réel, sa capacité à le représenter et à l’interroger. De l’un à l’autre, pourtant, les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes, et par conséquent leurs effets, la perception que l’on peut en avoir.
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