Étiquette : Cuba

« Mystères et petites pièces » de Carlos Celdrán, traduit de l’espagnol (Cuba)

Mystères et petites pièces est une œuvre kaléidoscopique autour de la figure d’un vieux maître de théâtre que des jeunes gens viennent trouver pour prendre conseil. Entre deux séances de répétition, l’artiste révèle ses angoisses, ses colères, ses espoirs et ses doutes lors de séances avec son psychiatre. À l’épidémie du SIDA qui touche Cuba dans les années 1990, esquissée en arrière-plan des répétitions, se mêlent les souvenirs des débuts de l’artiste dans les années 1970. La confrontation de ces deux temporalités soulève la question de la portée politique du théâtre dans un pays où l’art est soumis à l’épreuve du pouvoir et de la censure.
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« Dix millions » de Carlos Celdrán, traduit de l’espagnol (Cuba)

Dans 10 millones, Carlos Celdrán retrace le parcours de l’enfant qu’il a été, mais peut-être plus encore celui de ses parents. Leur histoire est celle de toute une génération, celle qui a connu la Révolution cubaine et qui s’est déchirée en deux camps : les partisans d’une part, pris d’une nouvelle passion politique et d’un espoir sans limite – telle la mère de Celdrán –, et les sceptiques, qui ont préféré renoncer à un idéal qui paraissait trop beau pour être vrai pour se consacrer à une vie plus tranquille – tel le père de Celdrán.
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« Blanche » de Catherine Blondeau – éclats d’une identité scindée

Catherine Blondeau, directrice du Grand T de Nantes (maison de la culture de la Loire-Atlantique), a publié au début de cette année son deuxième livre, après un premier roman paru en 2019, Débutants. Le texte, intitulé Blanche, est cette fois inclassable. Il relève plus de l’autobiographie que de la fiction, mais une autobiographie séquencée en courts chapitres, si courts qu’ils ressemblent à des fragments, des éclats, grâce auxquels l'autrice s'efforce de retracer le parcours biographique et intellectuel qui l'a amenée à prendre conscience du fait qu’elle était blanche.
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« GRANMA. Les trombones de La Havane » du Rimini Protokoll – partie de béisbol entre deux générations et deux pays

Le Laboratorio Escenico Experimental Social (LEES) est une association qui stimule la création artistique cubaine grâce à des invitations à des artistes étrangers, des résidences, des rencontres ou encore des conférences. En février 2018, ses fondatrices recevaient Stefan Kaegi dans les murs de la Casona Teatral Vincente Revuelta, pour un atelier au cours duquel l’artiste suisse présentait les principes du collectif berlinois Rimini Protokoll, aujourd’hui internationalement reconnu. Depuis ses débuts en 2000, le collectif a été initiateur d’un théâtre documentaire – particulièrement prisé par le théâtre contemporain – fondé sur un travail de terrain et la collaboration avec des « experts du quotidien », des individus non-acteurs qui montent sur scène et mettent en perspective l’Histoire avec leur vie intime. Ce mode de création implique un long temps de collecte et une pénétration profonde dans la vie des individus, mais il nécessite également l’élaboration d’une dramaturgie précise, pour que toute cette matière devienne spectacle. Au moment de la rencontre évoquée, le Rimini Protokoll avait déjà commencé une vaste « investigation théâtrale » sur Cuba. Trois ans et demi plus tard, le résultat de cette enquête, intitulé GRANMA. Les Trombones de La Havane, est présenté à la Commune d’Aubervilliers dans le cadre du Festival d’Automne. L’œuvre conçue immerge de manière fascinante dans l’histoire et dans la réalité cubaine d’aujourd’hui, à travers les récits de quatre jeunes.
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« Misterios y pequeñas piezas » de Carlos Celdrán – récit de (dé-)formation

Dans Misterios y pequeñas piezas, Carlos Celdrán passe une nouvelle fois sa vie au tamis du théâtre. Après le roman des origines, qui reconstituait la triade père-mère-fils et partant ainsi du plus intime atteignait le cœur de problématiques politiques dans Diez millones, le metteur en scène se penche cette fois sur sa formation et se demande comment apprendre d’un maître et comment s’en affranchir pour s’affirmer comme artiste à son tour. Ce récit s’élabore cette fois encore entre la table et le plateau, et travaille à innerver le vécu de fiction pour le rétablir de la distance et le rendre partageable.
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« Desagüe » de Laura Liz Gil – vivre, envers et contre tout

Après la trêve estivale, le Théâtre Argos rouvre ses portes au public avec la reprise de Desagüe, pièce mise en scène par l’une des actrices de la compagnie, Yailin Coppola, qui monte une œuvre de la jeune Laura Liz Gil, récompensée par le Prix National de Dramaturgie de jeunes auteurs en 2016. Dans ce texte, dont le titre désigne un tuyau d’écoulement, qui annonce par métaphore que le plateau sera le lieu d’un déversoir, les tragédies qui font le quotidien de chaque famille cubaine s’accumulent. Alors que le miroir tendu au public pourrait servir à désigner en grand la société, le reflet est ici littéral, la scène devient l’exacte reproduction de la réalité, sans autre ambition qu’en désigner les travers plus ou moins grands avec amertume et humour, dérision et tendresse.
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« Aire frío » de Virgilio Piñera – Non, non rien n’a changé, tout, tout a continué

Six ans après la création du spectacle, qui avait alors rencontré un grand succès – consacré par le Prix de la critique après avoir cumulé plus de cent dates, à travers le pays et au-dehors –, Argos Teatro revient à Aire frío. Quelle nécessité amène aujourd’hui Carlos Celdrán et sa compagnie à remonter ce texte de Virgilio Piñera, l’une des plus grandes œuvres de la littérature dramatique cubaine ? Depuis 2012, comment le contexte actuel peut-il renouveler la lecture de ce spectacle ? En un mot, qu’est-ce qui a changé, qui changerait tout dans sa réception ? En réalité, rien. Et c’est précisément de cela que traite la pièce : l’inertie, le temps qui passe, les individus qui agonisent, les espoirs qui meurent, l’irrémédiable répétition du même… Parce que le spectacle reste pleinement d’actualité, comme le texte de Piñera écrit en 1958, la reprise est puissante. Elle révèle la force de cette œuvre grâce à une immense précision de la mise en scène, et une direction d’acteurs extraordinaire, au plus près de la vie.
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« De Paris, un caballero » de José Antonio Alonso – éloge de la folie

Pour commencer l’année 2018, la maison éditoriale Tablas-Alarcos a programmé dans la salle Adolfo Llauradó la reprise d’un spectacle déjà ancien, créé en 2001 et qui depuis n’a cessé de tourner à Cuba et à l’étranger : De Paris, un caballero. Le spectacle est l’œuvre de José Antonio Alonso, comédien qui a longtemps fait partie d’une compagnie très respectée à Cuba, le Teatro Buendía, dirigé par Flora Lauten, et qui a créé à partir de cette œuvre sa propre compagnie, El Caballero. Ce seul en scène rend hommage à une figure devenue mythique à La Havane, le Chevalier de Paris, déjà honoré par une statue de bronze située sur la place San Francisco de Asís, dont la barbe polie indique la coutume selon laquelle lui toucher porte chance. Rendant chair au personnage, José Antonio Alonso relate l’histoire de cet homme hors du commun, dont le destin devient un moyen de parler de la Cuba d’aujourd’hui et des crises qu’elle traverse.
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« El Efecto de Sergio » de Philippe Quesne au Teatro Mella – spectacularité du dérisoire

Après avoir tourné pendant dix ans dans près de 35 pays, L’Effet de Serge de Philippe Quesne est arrivé jusqu’à Cuba, dans le cadre du Festival International de Théâtre de La Havane qui a réuni quantité de spectacles cubains et étrangers pendant neuf jours intenses. Comme ailleurs, le spectacle a rencontré la faveur du public en invoquant une sensibilité universelle, un mélange d’humour et de mélancolie autour d’un personnage atypique qui tous les dimanche invite des amis chez lui, pour des spectacles de 2 ou 3 minutes. Néanmoins, le succès rencontré par l’œuvre ne tient pas qu’à ses qualités. Il est aussi le fruit des relations bien particulières que l’artiste s’efforce de mettre en place dans chaque ville où il passe.
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« There » de la Compagnie Jo Strømgren – spectacle en creux

Le vendredi 20 octobre, a commencé le Festival International de Théâtre de La Havane, rendez-vous biennal qui réunit tous les aficionados du théâtre, professionnels comme amateurs, autour d’une programmation dense, comprenant les spectacles cubains les plus retentissants de ces derniers mois et des œuvres venues de l’étranger, en partenariat avec les ambassades. C’est dans ce contexte que la compagnie Jo Strømgren est venue de Norvège au Théâtre National, près de la Place de la Révolution, avec There. Le spectacle, qui date de 2001 et qui voyage depuis dans le monde entier, se situe à l’intersection de la danse et du théâtre, et sollicite une mémoire commune inarticulée et des strates de sensibilité souterraines, qui découvrent des mondes en partage.
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