« Dans la solitude des champs de coton » de Koltès par la Compagnie la Tramédie

La Caserne des Pompiers d’Avignon se métamorphose le temps du festival, pour accueillir la mise en scène de Marine Mane du texte de Koltès, Dans la solitude des champs de coton. Dès le moment de s’asseoir, il apparaît que c’est le sensible qui est mis à l’honneur dans ce spectacle.

Le public encadre une scène surélevée, d’un noir brillant. Aux extrémités d’une des deux diagonales de ce qui apparaît tout de suite comme un ring, se trouvent un contre-bassiste et un batteur. Entre musique et bruitage, ces deux artistes nous conduisent dans l’intimité des émotions qui se jouent au centre du plateau.

Le dealer arrive le premier, dans un crépuscule étourdissant qui ne laisse entrevoir qu’une ombre, noire comme le sol sur lequel elle se déplace. En cette heure sombre, il alpague le client, encore absent physiquement mais présent en chacun de nous par le regard que nous porte Clément Bresson. Cet étrange commerçant sait qu’il est en mesure d’assouvir le désir que porte en lui le client. Avec aplomb et un brin de provocation, il engage donc la lutte qui va les opposer.

Loin de se limiter à ce ring, ce champ de bataille, les déplacements se font subtilement, sur et autour de lui, au plus proche des spectateurs, à qui l’on s’adresse souvent droit dans les yeux. Ce sentiment d’être pris au piège dans le duel est nourri par les coups d’œil complices des deux comédiens jetés aux musiciens, ainsi intégrés à la communauté formée.

S’il arrive que les sons qu’ils produisent couvrent les paroles jetées avec force à l’adversaire, soulignant ainsi leur dimension plastique, ils portent la plupart du temps le texte. L’univers sonore rythme l’échange, dit l’intensité mais surtout exprime ce qui n’est pas formulé, plonge dans l’intériorité de ces corps transpirants.

Les battements du pouls, les douleurs silencieuses ou les élans contradictoires d’amour et de haine sont ainsi donnés à percevoir autrement que par les mots, en plus des mots. L’ouïe se dédouble entre texte et sons, et accompagnée par les corps aimantés des deux hommes – tantôt par le pôle négatif, tantôt par le positif –, l’immersion est totale.

On peut regretter un déséquilibre entre la présence du client et celle du dealer, mais Clément Bresson est largement en mesure d’y suppléer et son personnage prend ainsi encore plus de poids.

F. pour Le Bruit du Off

Pour en savoir plus sur « Dans la solitude des champs de coton », rendez-vous sur le site du Off d’Avignon.

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