« Cercles / Fictions » de Joël Pommerat aux Ateliers Berthier

Joël Pommerat revient à l’Odéon et nous présente Cercles / Fictions, créé en janvier 2010 au Théâtre des Bouffes du Nord. La salle des Ateliers Berthier s’est métamorphosée à son arrivée, pour former le cercle dont il est question dès le titre : le public entoure la scène, semblable à une piste de cirque, sur laquelle vont se croiser de multiples destins.

L’ensemble du spectacle est composé de fragments, autonomes dans leur forme mais qui se font parfois écho entre eux. La transition de l’un à l’autre se fait grâce à un passage au noir le plus complet, pour faire croire à une substitution des corps et des personnages quand la lumière revient.

Ces huit bribes d’histoires qui se côtoient dans cette arène sont plus caractérisées par ce qui les distingue que ce qui les rassemble. On voit passer un chevalier du Moyen-Âge, un grand entrepreneur du monde contemporain, des domestiques du début du XXe siècle, un Monsieur Loyal, des clochardes aux pouvoirs magiques ou encore un vendeur de porte à porte.

Peu à peu des motifs reviennent, des correspondances se tissent, et notre désir de tout unifier s’apaise. La soumission à un ordre supérieur, le besoin de croyance ou le jeu sont des thématiques que l’on retrouve aux différentes époques évoquées. De la foi au Moyen-Âge, à la soumission aux maîtres de maison au XXe siècle et à la seule croyance en soi dans notre société libérale, on perçoit une évolution. Sans que l’ordre ancien ne soit regretté, la critique implicite du monde contemporain est féroce.

Ces fictions entremêlées les unes aux autres de façon grandissante dans l’esprit de ceux qui les observe, font parfois sourire, mais c’est surtout la détresse et l’angoisse qui dominent. Les personnages vivent pour la plupart un moment de crise et de renversement d’un ordre ancien. Leurs repères perdus, ils luttent avec eux-mêmes ou avec le monde extérieur dans l’espoir de retrouver une place.

La structure imprévisible du spectacle donne le sentiment de zapper d’une chaîne à une autre. Le noir revient avant même qu’une once d’ennui ou de lassitude ne s’installe, et c’est ce rythme qui nous tient en haleine. La logique d’association entre les différentes fictions fait également penser au rêve, et l’esthétique nocturne d’Eric Soyer sert cette hypothèse.

A chaque fois que la lumière revient, la nouvelle intrigue qui nous est présentée est accompagnée de force de lumières et d’effets sonores, qui ont pour but de mettre en contexte les comédiens, eux-mêmes costumés de façon réaliste. Malgré la beauté qui en naît parfois, on peut regretter l’importance de ces moyens scéniques qui viennent accaparer les sens au détriment de la fiction elle-même ou de la réelle performance des comédiens, qui passent d’un registre à un autre avec une souplesse trompeuse.

Ces histoires que Joël Pommerat revendiquent comme « vraies » ont suffisamment de force dans leur simplicité et dans leur apposition pour ne pas avoir besoin d’être spectacularisées par ces immenses moyens techniques. Trop gros pour se fondre dans la fiction, ils décalent la perception. Il ne s’agit pas de réclamer de la narration pure, mais plus de subtilité pour atteindre mieux l’onirisme et l’étrangeté que revendique l’auteur-metteur en scène.

F. pour Inferno

Pour en savoir plus sur « Cercles / Fictions », rendez-vous sur le site de l’Odéon.

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