« Caligula » à l’Athénée par le Poème Harmonique

Après le Bourgeois Gentilhomme, le Carnaval baroque et des opéras aussi mémorables que Cadmus et Hermione et Egisto, le Poème Harmonique trouve encore le moyen de diversifier sa production. Cette fois-ci, avec Caligula, Vincent Dumestre met sa musique et ses chanteurs au service d’un art hautement poétique : celui des marionnettes, ou pupi siciliennes.

Le décor qui occupe le plateau de l’Athénée est à demi-mesure humaine. Après que les bougies ont été allumées une à une, les chanteurs, tout de noir vêtus, se placent de part et d’autres de cette grande maison de poupées. Celles-ci ne tardent pas à venir se présenter en groupe, avant que se noue l’intrigue de l’opéra de Pagliardi.

Le personnage éponyme a beau évoquer la Rome antique, le librettiste Domenico Gisberti s’empare de la figure de Caligula pour mêler amour, jalousie et folie, dans un tourbillon de passion qui, aussi complexe soit-il, anime avec vigueur les marionnettes.

Cet art trop peu connu est maîtrisé avec grâce et humour par Mimmo Cuticchio et sa troupe. Eux aussi revêtus de noir, ils animent les pantins et ne se contentent pas de les articuler pour mimer les airs interprétés : ils partagent leurs émotions et esquissent des pas de danse avec eux.

Les ressources sont multiples et l’émerveillement constant. À plusieurs reprises, le spectateur renonce à lire les sur-titres pour se laisser surprendre par un sabre empoigné comme par magie ou pour admirer la grâce d’un papillon qui virevolte sur scène.

D’un geste précis et gracieux, les marionnettistes donnent même vie aux panneaux qui servent de décor et inscrivent la scène tantôt dans un palais, tantôt au bord d’un rivage, qui laisse entrevoir l’Afrique au loin. On voit également passer un buffet, un trône, une statue de Diane, et la lune, énorme et enchanteresse.

Passion amoureuse et filtres magiques mènent Caligula à la folie, suscitent le désespoir de sa femme Cesonia, et plongent la reine de Mauritanie, Teosena, dans la confusion la plus complète. Mais ces marionnettes, si elles lèvent sans peine les bras au ciel et pleurent leur sort, accompagnées par l’empathie de ceux qui les manipulent et par l’émotion de ceux qui leur prêtent leur voix, préfèrent le registre comique.

Comme dans une comédie festive de Shakespeare, tout rentre dans l’ordre. Caligula mort va même jusqu’à ressusciter, et l’on apprend que ce qui s’écoulait de son flanc n’était pas du sang mais sa folie ! Ainsi, tous les registres auront été explorés grâce la finesse et la précision de leurs gestes, si proches des nôtres.

Le spectacle ne s’achève qu’après une volée d’applaudissements, entretenus par les caprices de la diva Cesonia qui vole la vedette à tous ces artistes, mobilisés pour nous faire vivre un moment de grâce et de poésie.

F.

Pour en savoir plus sur ce spectacle, cliquez ici.

Related Posts

None found