« Manet, inventeur du Moderne » au Musée d’Orsay

Les tableaux de Manet ont un air familier. On a le sentiment d’un côtoiement qui s’inscrit non seulement dans le champ culturel mais aussi dans notre quotidien. Il n’y a donc pas de grandes découvertes lors de l’exposition organisée par le musée d’Orsay, mais plutôt le plaisir de voir toutes ses œuvres réunies en un parcours simple.

« Le Déjeuner sur l’herbe », « Olympia », « Le Fifre » ou « Le Balcon » sont autant d’œuvres dont les titres remuent  des vestiges dans nos esprits. Manet, comme la plupart des impressionnistes,  est le genre de peintre que l’on nous montre quand l’on est enfant, et dont les peintures s’impriment dans nos mémoires.

Pourtant, on a beau l’inscrire dans cette mouvance, il n’est pas besoin d’être un professionnel pour voir l’écart qui le sépare de Monet, pour citer le plus connu. Ce que l’exposition cherche à montrer à travers ces peintures, c’est la tension entre le classique et le moderne, le passage qui se fait de l’un à l’autre, et l’influence que ses successeurs ont connu sur lui par la suite.

Manet, à ses débuts, s’inscrit dans une époque où les Salons et l’Académie sont encore les principales instances qui légitiment les peintres. Ce n’est pas un hasard si en 1863, l’année où Manet présente « Le Déjeuner sur l’herbe », Napoléon III instaure le Salon des Refusés. C’est le signe d’une évolution dans le monde de l’art, évolution qui se lit dans la transgression des règles classiques.

Dans ce tableau en particulier, le fait d’exposer une femme nue aux côtés d’hommes habillés et l’impression d’inachevé de l’arrière-plan choquent. Ce sont là des indices du basculement qui s’opère pleinement avec « Olympia », vu comme une réécriture licencieuse de la « Vénus d’Urbin » de Titien.

L’ensemble de sa production n’est pas à regarder à travers ce prisme, d’autant qu’elle est caractérisée par la diversité. Manet, placé sous le patronage de Delacroix, explore tous les genres. L’intensité des regards de ses portraits, en particulier de femmes, et l’apparente simplicité de ses paysages peuvent frapper pour eux-mêmes, hors de l’Histoire.

On constate que les contours se font moins nets vers la fin de sa vie, que le mouvement du pinceau est plus perceptible : on voit là les traces de ceux qui peignaient en plein air. Si lui a toujours préféré son atelier au chevalet transportable, cela montre bien qu’il était conscient de son influence.

Ce qui fait l’unité de ces peintures, c’est l’emploi puissant de la couleur. Manet fait naître la vie de la lumière, ce qui lui permet d’échapper au réalisme d’un arrière-plan – pour « Le Fifre » par exemple. Le regard est sans cesse sollicité de toutes parts, par le vert d’une rambarde, par le blanc d’un mouchoir, par le turquoise d’une mer ou par le jaune d’un citron.

Le visiteur se promène parmi les œuvres comme l’on revient dans une maison d’enfance. Les souvenirs sont reprécisés sans être trahis et de nouvelles images viennent s’ajouter et s’inscrire à notre patrimoine individuel.

F.

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