« La Vie est un songe » de Calderón par William Mesguisch

Sur fond de tragédie grecque, mélangez intrigue politique et passions amoureuses aux couleurs d’Espagne. Ajoutez une pincée de fantaisie moderne et cuisez le tout un bon moment. Vous obtiendrez une mixture subtile et explosive, autrement dit, une mise en scène fidèle et une revisitation dynamisante du chef d’œuvre de Calderón.

Difficile de s’attaquer à une pièce dont le thème principal est l’illusion. En Pologne, le roi Basile est rongé par le choix qu’il a fait des années plus tôt : celui d’avoir enfermé son fils Sigismund et de l’avoir déclaré mort né. Ce sont les astres qui lui ont dicté sa conduite, prédisant un destin aussi tragique que celui d’Œdipe, le mariage avec la mère en moins et la guerre civile en plus. Il décide donc de mettre à l’épreuve ce prisonnier pour un jour, et de le voir agir librement, pour mieux en juger par la suite.

De sa cage en verre au trône, et du palais au cachot, c’est le rêve qui est invoqué chaque fois, par l’intermédiaire du sage Clothalde, pour rétablir un semblant de logique dans l’esprit de Sigismund. Cette explication empiète sur la réalité au point de faire perdre la tête et de rendre indistincts le rêve et le réveil. Même le roi Basile, féru de mathématiques, se perd dans ses calculs et ses raisonnements en trois temps.

La même année, en 1635, en France cette fois, Corneille s’attelle au même sujet dans L’illusion Comique. On retrouve de nombreux motifs d’une pièce à l’autre, à commencer par celui, baroque, du leurre. Dans cette mise en scène, William Mesguisch nous la montre grâce à un permanent chiaroscuro (ou clair-obscur) ainsi que des miroirs, réfléchissants ou révélateurs.

Jamais tout à fait en pleine lumière, les comédiens lèvent petit à petit le voile sur leurs secrets, leurs usurpations d’identité et leurs fantasmes. Cette atmosphère où la fatalité pèse comme un couperet est tempérée par les farces de Clairon, incarné par le metteur en scène lui-même. D’autres artifices pailletés et gigantesques viennent divertir l’œil quand l’oreille se concentre.

C’est cet art de manier avec adresse les ficelles des sens qui fait du spectacle une réussite, malgré l’agacement probable des puristes.

F.

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