« Quelque chose noir » de Jacques Roubaud

Poésie avons-nous dit ? Parce que la collection y a prêté son uniforme. Parce que ce n’est ni de la prose, ni du théâtre. Qu’est-ce alors ? Des vers ? Plutôt des mots, jetés les uns à la suite des autres car insoutenables. La mort plane sans peser. Alix Cleo Roubaud est morte. Jacques Roubaud porte le deuil. Il porte « quelque chose noir ». Écriture salvatrice: non pas un témoignage, mais un soulagement personnel.

Si écrire est un dialogue, ce n’est pas avec le lecteur. C’est avec un monde parallèle où l’espoir est roi. Les espaces et les vides en sont les preuves. Ils permettent au lecteur de prendre le rythme de l’homme veuf. De sentir le cœur de l’autre battre dans sa poitrine et de respirer avec lui et pour lui. Les souvenirs reviennent, les images resurgissent : étouffement. Libération.

Qui  est-il ? Un mathématicien, un poète. Un poéticien, voilà tout. Il « traverse » l’épreuve comme un humain. Il apprend à supporter la mort à ses côtés, dans la vie. Le soleil, le noir. Le décor est posé, et reparcouru tout au long de l’œuvre. ce qui l’orne ou le constitue sont au centre d’une peinture précise. L’image comme vecteur d’émotions : Dans cette intimité, l’homme s’essaie. Anonymat ou pleine acceptation du « je » personnel, les points de vue ne se rejoignent qu’en un seul centre.

Jusqu’où les souvenirs l’habiteront? Lorsque de la nostalgie pure et spirituelle, il passera à la franchise du manque physique. Lorsqu’il acceptera le prénom pour remplacer le pronom. Lorsqu’il se résoudra à attendre sa mort pour combler l’absence.

En somme, un bercement de tristesse sur fond de Léonard Cohen. Une bouffée d’humanité qui élève l’espoir là où on ne l’attendait plus.

F.

Le temps de chaque monde possible est le présent.

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